Une conclusion à la fois magnifique et splendide de ce qui est l’une des meilleures franchises de ces dernières années. Après deux épisodes de haut niveau, Matt Reeves nous livre là un véritable testament de César. On pourra éventuellement regretter l’absence de véritable rôle féminin (ce qui a toujours manqué à la saga), ou bien d’un méchant vraiment charismatique (le Colonel ressemblera au final beaucoup à Dreyfus dans le précédent film, même s’il sera un poil au-dessus). Mais encore une fois, les véritables personnages du film, ce sont César et sa tribu. Et encore une fois, ils sont au cœur du récit, que ce soit dans l’intrigue ou bien dans la succession d’évènement.


Le film continuera dans la lignée de son prédécesseur, avec des humains décimés qui tentent de survivre et des singes qui n’aspirent qu’à la paix. Cependant, et c’est là que le film change, l’élément perturbateur de l’ensemble va nous conduire vers une sorte de Western simiesque. Ce qui peut donner l’impression d’un rythme lent, mais qui contribuera au contraire à créer une tension merveilleuse jusqu’au final, qui restera dans les mêmes tons tout en revenant vers un terrain plus classique de la SF. Cela crée un ensemble et une atmosphère particuliers qui ne m’ont absolument pas déplu. Cela permet notamment de renforcer le lien de César avec ses compagnons (et rendant les scènes dans la dernière partie plus poignantes et efficaces) ; tout en posant la question sur ses motivations, ses aspirations, pour lui et pour son peuple.


Le film se permet également d’introduire de nouveaux personnages. J’ai déjà parlé du Colonel, qui sera au final un brin décevant, notamment par rapport à la façon dont le film crée la tension autour du personnage lors de la seconde partie. On peut également citer Red et Preacher, dont l’évolution m’aura un peu déçu là aussi : la relation entre Red et César est vraiment intéressante, car même si tout le monde convient que Koba était un électron libre, ce n’est pas parce que César impose ses idées que les autres le suivent, mais parce qu’ils se reconnaissent dans ce qu’il aspire. César n’est pas tout blanc non plus : il inspire mais il n’est pas parfait, il a ses failles. Cependant, sa conclusion est trop artificielle, à la fois trop rapide et surtout trop tardive. Quant à Preacher, le personnage avait un potentiel à exploiter mais il a été un peu délaissé au final.


Non, les deux principaux ajouts du film, ce sont bien sûr Méchant Singe et Nova. Le premier apportera un humour qui fera mouche mais surtout s’inscrira parfaitement dans la logique d’approche façon Western du film. De plus, il permet d’aborder également les problèmes que sont l’isolation et la solitude. Quant à Nova, j’ai peut-être exagéré au début de ma critique : elle est le rôle féminin du film. Mais pas forcément dans la façon dont on l’attendait. Son rôle est multiple : elle est là pour nous introduire le concept qui pousse le Colonel à agir (tout en faisant une connexion avec le film de 68 et en restant cohérant avec l’univers du reboot), mais elle sert également de lien entre les singes et les humains pour la suite de cet univers (la scène dans le camp sera révélatrice à ce propos) et aussi sera comme un phare pour César. Alors qu’il la rejette presque, ne lui fait pas confiance, elle va être toujours là pour le guider dans sa vengeance, lui éviter de s’y perdre. Lui rappeler qui il est. C’est un personnage vraiment intelligent, beaucoup plus que son homologue dans les précédents films.


La conclusion sera parfaite, dans le sens où elle termine l’épopée de César tout en ouvrant la voie pour la suite. La dernière partie du film nous fera réaliser que la guerre qui se préparait n’était pas forcément celle à laquelle on s’attendrait, révélant encore une fois une partie de notre nature. On aura droit à des scènes vraiment intenses sans forcément y être projetés. Encore une fois, le sujet de cette saga, ce sont les singes, pas les humains. On se retrouve donc pris au milieu d’un conflit qui ne nous concerne pas, et on essaye simplement de s’en sortir. C’est l’impression qui se dégage de cette dernière partie, véritable guerre hors-champ magistralement menée. Sa conclusion sera bien sûr toute symbolique. Une intrigue vraiment solide, dont le ton un peu Western (faisant penser à Logan par moment) est sans doute ce qui m’a le plus plu.


Le casting sera globalement bon. Woody Harrelson se fera bien plaisir dans son rôle, lui donnant la substance dont il a besoin. Comme je le disais, c’est surtout dans l’écriture du personnage que ça pèche à son sujet. En revanche, la toute jeune Amiah Miller sera fantastique dans un rôle pas vraiment simple, et réussira pourtant à nous faire comprendre son personnage, ses pensées, ses émotions. Encore une fois, la performance capture sera saisissante avec des singes toujours plus réalistes mais au final tant humains par moment. Et bien sûr, je vais encore me répétait, mais il le mérite tellement : que l’on donne un Oscar à Andy Serkis ! Encore une fois, c’est tout simplement dingue ce qu’il réussit à nous transmettre avec un personnage en image de synthèse. Son regard, son visage, sa démarche… Il fait vivre César plus que jamais.


Ce qui nous amène à l’aspect technique du film. Michael Giacchino revient à la musique, signant une BO plutôt bonne, reprenant les thèmes développés dans les films précédents (et avec une utilisation intelligente, cf. le thème central qui disparaît totalement dès que César s’éloigne du « chemin ») et en proposant de nouveaux qui renforcent le côté Western ; tout en restant fidèle non seulement à l’esprit du premier film, mais aussi à la SF en générale. La mise en scène de Matt Reeves ira d’ailleurs dans le même sens, proposant plusieurs plans vraiment très chouettes (celui d’intro notamment), certains faisant là aussi immédiatement écho au film de 68. La photographie sera également de toute beauté, avec un jeu sur la lumière du soleil incroyable. Et les décors se mettront au diapason.


Mais bien sûr, ce n’est pas là que le film se distingue. C’est bien sûr par ses effets spéciaux, ahurissant. Pas dans le sens où l’on a un déluge de CGI à tout bout de champ comme dans les films de super-héros, ou de SF, récemment. Au contraire, en termes de décors et d’effet de mise en scène, bien qu’il y ait des CGI, on restera souvent avec des effets spéciaux mécaniques qui donneront à l’ensemble une certaine crédibilité, un toucher véritable ; mais surtout renforceront le côté post-apo et Western du film. Non, si les effets spéciaux sont ahurissants, c’est bien par le biais de la performance capture.


Comme je l’ai dit, le travail des acteurs et incroyable. Et déjà les deux précédents films avaient mis la barre très haute. Mais là, on atteint des sommets du genre. Tous les singes, adultes du moins, sont bluffant de réalisme, et cela même lorsqu’ils sont au fond de l’écran. Et en gros plan, cela devient tellement incroyable qu’il est presque impossible de déterminer si c’est du maquillage, des animatroniques, un mélange des deux ; alors qu’ils n’ont utilisé que des images de synthèse. Le rendu de la peau (quand le visage de César rougit de fureur), le rendu de la fourrure selon si elle est mouillée, sec, à l’ombre, au soleil, pleine de poussière ou de neige… Le mouvement également des singes, extrêmement réalistes là encore, fluides, naturels. C’est tout simplement bluffant ; faisant d’eux les créatures numériques les plus crédibles que j’ai pu voir. Si on en arrive à pratiquement pouvoir tromper l’œil humain même en gros plan, on a définitivement passé un cap.


Même si je n’en donne pas vraiment l’impression, ce film est vraiment super. Son histoire, malgré ses défauts, est prenante et l’ambiance créée nous y plonge et on n’en sort que difficilement. Son casting est impeccable et techniquement, c’est une référence pour le cinéma. Matt Reeves conclut ici avec brio cette franchise reboot qui, sur le papier, n’avait absolument pas le potentiel au départ pour devenir l’une des meilleures franchises des dernières années, et sans doute les meilleurs reboot dans cette période plus que faste. Et Reeves se permet quand même de nous offrir le meilleur film de la trilogie.

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le 10 août 2017

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