(Vu sur Arte) Ce film de Mario Bava, réalisateur plus connu pour ses réalisations gothico-horrifiques que pour son apport à la SF, attirait mon attention depuis que j'avais appris que Nicolas Winding Refn (le réalisateur de "Drive", bien connu pour ses esthétiques et photos hyper-léchées) en était fan et avait financé sa restauration.
Concernant cette dernière, je lève haut mon chapeau au travail effectué, car, si je n'ai pas bien sûr pu voir le film dans sa version "dégradée", on imagine bien, au vu de la netteté de l'image et surtout de la beauté des couleurs (j'y reviendrai), que l'amélioration n'est pas minime et que l'on peut désormais découvrir cette œuvre dans sa version optimale. Félicitations également à Arte qui nous propose de redécouvrir ce réalisateur italien aussi culte que peu connu du grand public: j'avais ainsi pu voir sur cette chaîne il y a quelque temps l'intéressant (bien que pas assez abouti sur bien des aspects) "Lisa et le diable"; aujourd'hui, c'est un vrai début de rétrospective, avec 3 ou 4 films (dont celui-ci), que nous propose Arte.
Mario Bava applique à la science-fiction le même traitement, maniériste et baroque, hyper-léché esthétiquement, que j'avais déjà pu commencer à goûter dans le délicieux "Le corps et le fouet" (vu jadis à la cinémathèque française!); ce qui frappe ici particulièrement, c'est son utilisation de la lumière et des couleurs, absolument brillante, qui transcende littéralement un certain manque de budget global en construisant une atmosphère étouffante et anxiogène, crépusculaire, du plus bel effet, en jouant notamment sur de nombreux contrastes entre l'aspect désolé de la planète où prend place le récit et toutes les lumières artificielles générées par des vaisseaux de haute technologie. Ainsi, si le film est dit avoir inspiré Alien (en particulier au niveau de son scénario, ce qui est effectivement probable), ce qui m'a personnellement le plus frappé, c'est la connexion évidente entre cette esthétique de Bava et les sommets de la production fantastique d'un Dario Argento (Suspiria!!!).
En outre, le design assez réussi de l'extérieur des vaisseaux, des costumes (avec des combinaisons en cuir qui conservent un aspect assez classieux, même aujourd'hui j'ai trouvé), de la planète, fait que l'ensemble n'a pas l'air kitsch, mettant tout de suite cette production dans le tout haut du panier de la production SF de l'époque, au côté de certains des meilleurs épisodes de la "Twilight zone" ou encore d'un "planète interdite".
A côté de tout cela, le film a certes quelques défauts:
- sans être absolument honteux, les acteurs sont néanmoins loin d'être tout à fait convaincants;
- le script a également des lacunes: si l'histoire d'ensemble se tient, avec des twists bienvenus à la fin, le dernier tiers du film semble néanmoins un peu moins bien travaillé, avec des réactions et des interactions entre personnages parfois peu logiques ou crédibles; mais les deux premiers tiers du film (avant que l'on ne sache précisément la nature de la menace extraterrestre) sont par contre inattaquables sur ce plan-là, jouant parfaitement sur le mystère ambiant et la tension qui gagne peu à peu les personnages;
- toujours dans le dernier tiers, certaines scènes de bataille m'ont semblé assez confuses; sans spoiler, le récit fait que les antagonistes et les lieux de l'action sont parfois assez difficiles à discerner les uns des autres; un effort supplémentaire aurait pu être fait pour limiter ce désagrément.
Mais à côté de ces problèmes mineurs, l'ensemble tient carrément la route et est très recommandable, en particulier pour son esthétique encore bluffante aujourd'hui. Donc, si vous aimez la SF un peu à l'ancienne et/ou que vous voulez découvrir Mario Bava, foncez sans hésiter! Vous ne gâcherez pas votre soirée!