Deux raretés, combinées en un film français des années 70, l’animation et la SF, suffisent déjà à faire de ce film un OFNI.
La Planète Sauvage est une sorte de conte philosophique qui permet, à la faveur de l’anticipation, un déplacement du regard sur l’homme. De la même façon qu’on a pu s’interroger sur la nature humaine à partir du moment où on a découvert les sauvages du Nouveau Monde (voir à ce titre la fameuse Controverse de Valladolid), le contexte post apocalyptique fait de la race humaine une sorte d’espèce d’insecte, cohabitant avec des géants, les draags qui les exterminent ou en domestiquent un certain nombre à des fins de divertissement.
Le relativisme est assez sommaire, mais assumé : le renversement des points de vue permet évidemment une leçon de tolérance et une remise à sa place d’un homme qui s’est toujours considéré comme la forme la plus aboutie de l’évolution.
A ce discours, Laloux ajoute surtout un exotisme graphique : construit à partir de papier découpé (une technique qu’on retrouve dans les interludes d’animation des Monty Python, par exemple), le récit offre des décors luxuriant et visionnaires, des séances de méditation transcendantale dans un univers séduisant d’étrangeté. Le fait d’y ajouter une certaine cruauté, qui éloigne clairement le film d’animation des productions habituellement réservées à la famille, accroit la singularité d’une œuvre volontiers expérimentale, fondée sur des ambiances nouvelles, soulignées notamment dans sa musique entre électro et wah wah.
L’évolution possible du récit passe par la question cruciale de la connaissance, ici un appareil presque magique (on pense à un autre folklore SF de la même époque, mais dans la littérature cette fois, à savoir La Nuit des Temps de Barjavel) dont vont s’emparer les oms, revisitant le mythe de Prométhée pour un éloge du progrès et de la concorde entre les peuples.
Œuvre humaniste et novatrice, désenchantée et pleine d’un espoir presque naïf, La Planète Sauvage marque aussi bien son époque par une esthétique singulière qu’il illustre des questions universelles.