Quel fut mon étonnement au regard de ce "petit" film de genre espagnol, a priori sans prétention, mais qui prend une dimension toute autre dans un contexte de confinement, où l'individu n'est préoccupé que par sa propre survie, au détriment de celle des autres (tous ces "gens" qui se précipitent pour dévaliser les supermarchés, sous prétexte qu'ils ont le droit de le faire...)
Ce constat, brillamment mis en scène, est toutefois également la limite du film, devenant quelque peu moralisateur et "naïf" sur la fin, se rapprochant ainsi des standards américains dans son propos et m'empêchant par ailleurs de lui donner la note maximale.
Cependant, "la plateforme" est de ces films qui se font rares: audacieux dans ce qu'il raconte, original dans sa mise en scène, parfois choquant ou perturbant (selon la sensibilité du spectateur), il incite à la réflexion sans prétendre nous apporter des réponses (sauf à la fin, malheureusement...)
Il m'a en se sens rappelé cube à l'époque (ça date!), de par son originalité, mais aussi pour les sentiments qu'il provoque chez le spectateur, l'ensemble étant ingénieux et brillant visuellement malgré un budget que l'on devine limité.
Ainsi, cette "plateforme", dans un premier temps pessimiste et culpabilisante, nous rappelle que l'homme est en fin de compte pire qu'un animal, les détenus des étages supérieurs se "gavant" de nourriture (critique d'une société de surconsommation) et prenant donc beaucoup plus que nécessaire pour subsister, au détriment de leurs congénères des étages inférieurs.
Les premiers étages (en référence aux classes favorisées et aux privilégiés) sont donc "servis" en premier, la plateforme descendant ensuite, étage par étage, jusqu'aux "bas fonds" où il ne reste bien sûr plus rien à se mettre sous la dent, les détenus ayant généralement recours au cannibalisme pour survivre.
Ce film, s'il reste un huis clos conceptuel à l'instar de cube, incite davantage à la réflexion que ce dernier, en nous renvoyant à notre triste condition de consommateur égoïste, façonné par une société déshumanisée dont le profit et l'accumulation des richesses sont devenus la seule finalité.
Ce constat, plus que pessimiste (mais intéressant), est malheureusement balayé à la fin du film, avec cette décision "héroïque" prise par le personnage principal (le Arnaud Tsamère espagnol, c'est son sosie...)
Le film, qui était jusqu'alors une petite production espagnole brillante dans son propos et sa mise en scène, se transforme alors en standard américain, en nous rappelant que heureusement, certains êtres humains sont bons, solidaires et altruistes, et se sacrifieront sans hésiter pour sauver des ordures, qui naturellement n'auraient jamais fait la même chose pour eux.
Le héros arrive ainsi à convaincre en 2 min son compagnon de cellule (un homme noir, évidemment) de se sacrifier avec lui pour descendre sur la plateforme faire la "police" dans les étages inférieurs, et ainsi distribuer la nourriture de manière équitable entre les détenus (franchement, qui peut croire à ça?)
Il aurait été à mon sens beaucoup plus intéressant (et crédible surtout...) que les détenus organisent une révolte pour monter les étages (la plateforme remonte forcément, étrange que personne n'y pense dans le film...), pour ainsi couper la tête des sadiques responsables de cette "expérience".
Bref, c'est dommage, le dernier acte étant toutefois propice à de nouveaux effets de mise en scène (parfois bien gores), augmentant cette sensation de "descente aux enfers" des 2 protagonistes.
Dernier point, la toute fin du film invite "faussement" à la réflexion (comme dans inception, avec la toupie qui tourne...), et il est toujours amusant de constater que les spectateurs s'interrogent et formulent des hypothèses suite à celle-ci, alors qu'il n'y a absolument rien à comprendre.
De loin le meilleur film que j'ai vu ces derniers mois (et je suis très difficile...), je vous le recommande donc vivement!