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Véritable hit du catalogue Netflix, La Plateforme nous revient pour un nouveau festin orgiaque de tripailles sur fond de révolution sociale. Sortie en pleine période du confinement, le premier volet égratignait sans vergogne l’individualisme de notre société avec sa lutte des classes en fer de lance. La métaphore bien que peu subtile nous offrait néanmoins la chance d’admirer un système pyramidale, injuste, et impitoyable où ceux du haut crachés à la gueule des plus défavorisés. L’oeuvre de l’espagnol Galder Gaztelu Urrutia s’imposait également comme la meilleure variation que nous avait offerte le genre étriqué du film de claustration depuis Cube de Vincenzo Natali. Quatre ans plus tard, le cadre n’a pas changé, et les choses ont peu évoluées dans cette gigantesque tour de Babel. L’ascenseur charrie chaque jour son plateau de mets et victuailles que les cobayes doivent manger dans le délai qui leur est accordé. Evidemment, la corne d’abondance n’est pas inépuisable et les premiers servis sont toujours les plus rassasiés, tandis que les derniers n’ont plus que du verre pilé à se tailler sur les veines. Le réalisateur applique donc la bonne vieille recette du bigger and louder en restant fidèle à son concept à une exception près, celle de cuisiner de nouvelles règles pour retourner la table et montrer les limites d’une utopie basait sur le fanatisme et la responsabilisation.


Deux visions s’opposent dans La Plateforme 2. Celle de la liberté individuelle contre la voie du bien commun. Ces deux croyances sont traversés par un monolithe qui descend à intervalles régulier et ne remonte qu’une fois la tournée terminée. Pour prévenir tout abus, des extrémistes ont néanmoins pris position afin de prendre le contrôle des opérations, car la liberté de choisir quoi manger s’arrête dès que celle-ci nuit aux denrées des autres. Dès lors, il convient de ne manger que le plat qui nous a été préalablement destiné et tant pis pour ceux qui auraient choisis des escargots. Evidemment comme toute règle, celle-ci comporte des exceptions, et il est tout à fait admis de faire un échange réciproque et équitable. En revanche, les plats des loyalistes tombés au champ d’horreur doivent être jetés aux rebuts pour garder les pêcheurs de toutes tentations et prévenir les sources de conflits. Mais faire appliquer les lois dans les niveaux supérieurs qui ne manquent jamais de rien est toujours plus facile que de l’imposer dans ceux inférieurs où les goules sauvages s’entre-dévorent pour des miettes et quignon de pain. Cela demande du temps et des sacrifices que tout le monde n’est pas prêt à accomplir. Et il suffit de quelques pommes pourris pour gâter le panier. Dès lors à chaque relève, le cycle de violence recommence et seule un régime de terreur peut prévenir la catastrophe de se reproduire perpétuellement. Mais la violence précède la chute, et des têtes vont tomber.


La Plateforme 2 pose un problème réellement épineux qui contamine nos sociétés occidentales avec la montée récente des extrêmes, et l’accentuation des inégalités sociales. L’intrigue identique à son modèle place un nouveau couple de cobaye au coeur de cette mécanique de prédation qui n’hésite pas à broyer les individualités et les bras pour notre plus grand plaisir régressif. La caméra s’attarde à montrer le pourrissement de ces corps affamés et martyrisés, qui finiront pulvérisés contre les parois ou bien ficelés dans un immense agrégat destinés à alimenter la fosse. Le réalisateur exploite pleinement son environnement grâce à une formidable gestion de l’espace, et n’hésite pas à recourir à toute la verticalité de son décor. L’ambiance est toujours aussi oppressante et le climat hautement délétère. Le cinéaste cherche également à éclairer certaines zones d’ombres du premier volet avec lequel il effectue la presque-parfaite filiation, mais à vouloir tenter d'expliquer le fonctionnement de son microcosme, la fin s'égare néanmoins dans des errements métaphysiques et spirituelles qui assombrissent d'avantage le tableau. Si le propos a le mérite de renouveler l’intérêt de cette séquelle, celle-ci se noie également dans des flots d’hémoglobine et s’égare dans la confusion de ses règlements de comptes à couteaux tirés qui n’étaient pas toujours nécessaire. Pour espérer s’en sortir et manger à leur faim, la jolie brune revêche accompagné d’un ogre dévoreur de calzone devront s’entre-aider et porter la révolution sociale du haut vers le bas selon l’ordre de marche de l’ascenseur pour tenter de renverser l’ordre établi, car il apparaît bien vite évident que l’utopie sera de courte durée face à l’animosité de l’homme et son incapacité à partager équitablement les ressources. Phagocyté par ses propres règles, l’utopie tyrannique se heurte fatalement à ses propres limites, surtout quand le turn over imposé charrie sans arrêt de nouveaux résidents que les faux prophètes doivent évangéliser ou bien châtier avec sévérité. La plateforme est alors pervertit et détourné de son utilisation première (nourrir et rassembler) pour être utilisé comme un instrument de mort. Une guillotine qui enlève les principaux attributs de ses occupants qui n’ont même plus les yeux pour pleurer. Gageons qu’en cas de suite, La Plateforme puisse encore nous offrir de solides arguments à se mettre sur la dent, plus qu’une profusion de viscères et de sang.



Si toi aussi tu es un gros frustré qui en a marre de toutes ces conneries, eh bien L’Écran Barge est fait pour toi. Tu y trouveras tout un arsenal de critiques de films subversifs réalisés par des misanthropes qui n’ont pas peur de tirer à balles réelles.

Le-Roy-du-Bis
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il y a 2 jours

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