Dire que "La Porte du Paradis" est un film maudit serait un euphémisme. Bide publique et critique monumental à deux reprises, en version longue "intégrale" et en version courte , il a marqué la fin de la période "auteur-friendly" hollywoodienne, mettant son studio United Artists et son réalisateur à genoux artistiquement et financièrement (Cimino n'était ni le plus modeste ni le plus économe des réalisateurs, et deux ans après "Voyage au Bout de l'Enfer", il pouvait encore se le permettre). Mais en laissant (difficilement) de coté son tournage et post-production apocalyptiques, qu-en est-il de l'oeuvre de Cimino ?
Quelle surprise fut la mienne en découvrant un excellent (et inhabituel) western, et quelle tristesse voir un film de ce calibre autant spolié et incompris. D'intenses moments de bravoure (cette fin à la Peckimpah !), ponctués de passages introspectifs fascinants, le tout porté par un casting de rêve (Kris Kristofferson, Isabelle Huppert, John Hurt, Christopher Walken, Jeff Bridges et Mickey Rourke dans un même film !). Le monde du cinéma n'est pas toujours juste, et de mon point de vue "La Porte du Paradis" fut victime de nombreuses injustices.
D'abord, victime de l’incompréhension du public, qui ne s'attendant pas à découvrir au sein d'un western (supposément) classique une telle attaque au mythe de l'Ouest Américain. Ensuite, il subit la mauvaise foi hypocrite de la critique, qu'après l'avoir mené au sommet lors de la sortie de "Voyage au bout de l'Enfer", prit un malin plaisir à le descendre impitoyablement (le film fut même nominé aux Razzie Awards :O !!!!! ). Enfin, le coup de grâce arriva lorsque les studios utilisèrent son flop gargantuesque pour le transformer en bouc émissaire, reprenant aussi le contrôle du système de production hollywoodien.
Si tout cela vous a donné envie (si ce n'est pas le cas, permettez-moi de douter de votre statut de cinéphile hehe), dernière chose: le film existe en trois versions. Le montage "cinéma" d'origine sortie en 1980 (219 minutes), la version remontée, sortie l'année d'après (149 minutes) et enfin le Director's Cut restauré sorti en 2012, et présentée au Festival Lumière 2013 (216 minutes). Le premier montage cinéma et le nouveau Director's Cut se ressemblent beaucoup (les différences sont infimes, voir imperceptibles vu la durée du film); la (très impopulaire) version courte a quant elle un rythme très différent, et le visionnage en est sensiblement altéré.
Je vous recommande vivement de prendre le temps de voir deux versions du film, la courte et l'une des deux autres. A titre personnel, je préfère la version longue, plus riche et mieux équilibrée, rendant justice à un grand film incompris, à la fois crépuscule économique et apogée artistique du Nouvel Hollywood.