Bien que tourné en anglais, "Le Baiser de La Femme Araignée" avait contribué à populariser le cinéma brésilien à l'échelle internationale, presque 20 ans avant "La Cité de Dieu" et son succès planétaire.
Après "Pixote", féroce plaidoyer à l'encontre des conditions des mineurs délinquants au Brésil, le réalisateur Hector Babenco décide d'adapter le roman de l'écrivain argentin Manuel Puig, homosexuel, engagé, et décidément très attaché à son œuvre.
Après de nombreuses difficultés de financement et le refus de l'auteur de céder les droits de son œuvre à une production locale (donc tournée en langue portugaise), William Hurt et Raul Julia s'intéressent au projet et décident de travailler sans salaire (seuls le voyage et les dépenses quotidiennes comme l'hébergement et l'alimentation ont été pris en compte par la production). Grand bien leur en ai pris, car cela a permis de lancer le tournage et de décoincer les investisseurs.
Mais assez sur les obstacles de production : que vaut le film en lui-même ? Eh bien, n'ayant que quelques mémoires de ses éventuelles rediffusions sur la télé brésilienne, je me suis jeté sur l'édition restaurée éditée par Carlotta, et c'est un achat que je ne regrette pas. C'est un mélodrame flamboyant et original, d'une richesse thématique et visuelle très appréciable.
Ce jonglage entre fulgurances esthétiques et poétiques de la forme et charge politique du fond m'ont fait penser au "Conformiste" de Bertolucci ou encore le "Mishima" de Paul Schrader (pas dégueu comme triple séance ;)). Les acteurs sont excellents (William Hurt, émouvant, à la fois vulnérable et déterminé, n'a pas volé son Oscar) et je n'en dirai pas beaucoup sur l'intrigue, à part qu'elle part dans des directions inattendues (même pour ceux ayant lu le livre de Puig), tissant des liens surprenants entre fiction et réalité.
Pour ceux ayant été séduits comme moi par l'originalité, la puissance dramatique, l'esthétique travaillée et la magnifique BO du film de Babenco, le documentaire "La Femme Araignée Tisse Sa Toile" (disponible au sein du coffret Carlotta) dévoile ses secrets de production, mais surtout les coulisses de l'émergence d'un cinéma indépendant de plus en plus "prestigieux" au milieu des années 80. Passionnant, comme le film.
PS: Rien contre "Out of Africa", mais de là à lui attribuer l'Oscar du Meilleur Film avec une compétition pareille...