Dans la réalité, les frères Earp n'étaient pas des héros irréprochables. Ils n'étaient pas très différents des frères Clanton. Wyatt était loin d'être un chevalier blanc, mais il a raconté lui-même son histoire.
Les légendes de l'ouest se sont construites autour des vantardises des forts-en-gueule rapportées par quelques chroniqueurs dans la presse de l'époque, avide de héros.
Hollywood les magnifiera.
John Ford arrive au moment ou tous ces héros sont à leur firmament. Il les glorifiera dans plusieurs films avant de les dénoncer dans "L'homme qui tua Liberty Valence" avec cette phrase restée célèbre: "On est dans l'Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende".
Après lui de nombreux réalisateurs briseront les légendes comme Sam Peckinpah avec "La horde sauvage", puis "Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia", Clint Eastwood enverra la mort faucher les légendes dans "Impitoyable" et même les frères Coen avec "No country for old men", pour les plus connus.
Ici, John Ford est dans sa période glorification.
L'Amérique, contrairement à l'Europe n'a pas d'histoire. Il lui construira de glorieuses légendes.
Sur la base des affirmations de Wyatt Earp, John Ford construit un western comme un drame classique. Car qu'est-ce qu'un western, si ce n'est une tragédie transposée dans l'Ouest. Il en est conscient et fonde son film sur la dualité de ses personnages et leurs dilemmes. La représentation d'Hamlet par un acteur shakespearien, n'est pas là par hasard.
Les protagonistes sont happés par un destin qu'ils ne contrôlent pas et qui les entraine inéluctablement vers l'affrontement final.
John Ford s'est construit à l'école du cinéma muet. Il connait l'importance des images. Il n'a pas besoin de texte redondant pour exprimer ce que les images peuvent montrer.
Le film est en noir et blanc. Il soigne donc les contrastes pour mettre en valeur les éléments importants de l'image. Des images particulièrement soignées avec des premiers plans, des arrières plans, des lignes de fuite. Les objets et les personnages sont disposés de façon à composer des tableaux. Chaque scène est une photo d'art.
C'est pourquoi, j'apprécie toujours qu'un réalisateur aujourd'hui se risque à faire un film muet ("The artist", "Blanca nieves"). C'est comme ça qu'ils apprendront à faire parler les images et non à rester dans de vulgaires téléfilms produits à la chaine dont on n'a "soigné" que les dialogues.
La combinaison d'images parlantes et d'une histoire simple et directe donne toute sa puissance à cette aventure.