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Première incursion dans le cinéma de John Ford et John Wayne, et je dois avouer que j’étais assez inquiet connaissant la réputation bien républicaine de ce dernier, et le sujet même du film: la traque d’amérindiens à la recherche d’une jeune fille capturée lors d’un raid. Au vu de l’époque du tournage et le côté très “americana” du western. Et le premier tiers du film n’a rien fait pour me rassurer, présentant un protagoniste raciste et antipathique au possible, un chef indien campé par un acteur blanc, et des femmes ne servant que de faire valoir ou de victimes.

Et mis à part ce dernier point (on ne peut pas gagner toutes les batailles), le film balaie peu à peu ces doutes pour représenter le personnage campé par Wayne comme une personne avec laquelle nous ne sommes pas censés sympathiser, le mettant en opposition avec le personnage de Jeffrey Hunter, bien plus conciliant. Et lorsque, en deux répliques, les raids Comanches sont justifiés, lorsque, en une charge de cavalerie hors champ, c’est un massacre de femmes et d’enfants qui nous est montré, on comprend que Ford ne prend pas de position dans cette guerre territoriale. Que les actes des blancs comme des indiens sont les conséquences d’une colonisation sans concessions. Que le passé de Wayne explique sa haine, et que celui de Scar explique sa hargne. Ils se battent pour cette terre, magnifiée par la caméra de Ford qui filme la Monument Valley comme seul témoin silencieux, mais vivant, d’un massacre expéditif. Et si le personnage de Wayne reste une ordure vindicative, il trouvera néanmoins des bribes d’humanités en lui, empêchant in fine l’horreur de se perpétuer.

Subtil, splendide, The Searchers refuse tout manichéisme et emporte le spectateur au long d’une œuvre qui a marqué l’histoire du cinéma, de ce que celui-ci pouvait raconter, de ce qu’il pouvait montrer, de comment il pouvait le filmer.


Bonus :

The Searchers : An appreciation (30 minutes)

Interviews croisées de John Milius, Curtis Hanson et Martin Scorsese (il est partout!) sur la signification et l’importance du film dans l’histoire du septième art. Comme tous les bonus bluray avec Marty, c’est passionnant et apporte une lumière nouvelle sur le film, me permettant de l’apprécier encore plus qu’au visionnage, et me donnant envie de le revoir.


A Turning of the Earth : the making of The Searchers (30 minutes)

De la genèse du projet à la longue collaboration entre Ford et Wayne, le document utilise énormément d’images d’archives, notamment du tournage. Comment trois cent personnes se sont installées dans la Monument Valley pour produire le film et tourner dans des lieux jusqu’alors jamais explorés au cinéma, et faisaient des échanges avec la tribu Navajo locale. Intéressant, bien que parfois redondant avec les autres features de la galette.


Behind the Cameras : Segments de la série Warner Bros. Presents accompagnant la sortie du film (20 minutes au total)

Un condensé d’images d’époque faisant office de journal de tournage, le tout présenté comme dans les 50s (c'est-à-dire avec un mec très stéréotypé et une voix presque parodique). On est surtout devant du matériel promotionnel à l’ancienne, malgré le côté folklorique de l’ensemble

Frakkazak
8
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le 13 févr. 2024

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Frakkazak

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