Très peu distribué en France, La Promesse bénéficie pourtant d’un casting de haut rang, avec pour têtes d’affiche Oscar Isaac, Christian Bale et Charlotte LeBon. Ainsi la réalisation de Terry George surprend-t-elle par l’étonnant silence qui a entouré sa sortie et le nombre infime de salles de projection. Film historique s’il en est, La Promesse permet à Terry George de poursuivre son engagement historico-politique, entamé depuis la réalisation d’Hotel Rwanda ; et sans doute est-ce ici la raison pour laquelle sa dernière œuvre n’a bénéficié que d’une sortie confidentielle, puisqu’elle porte l’ambition d’explorer la tragédie du génocide arménien de 1915.


Si le sujet de La Promesse paraît éminemment polémique, le long-métrage n’en demeure pas moins essentiel alors même que le génocide arménien n’a été que trop rarement montré au cinéma, à la fois du fait d’une méconnaissance générale de l’événement historique et d’une situation géopolitique complexe, notamment en raison de la question de sa reconnaissance par la Turquie, alors même qu’à ce jour -seulement- 29 pays le reconnaissent comme tel. Dès lors l’ambition de Terry George de peindre une fresque historique de l’événement nous semble aussi bien louable que salutaire en termes d’enjeux mémoriaux. Le réalisateur confesse volontiers inscrire sa réalisation dans les rêves d’un philanthrope arménien qui souhaitait que cette tragédie bénéficie, elle aussi, d’un traitement cinématographique spectaculaire et mémorable, soulignant par ailleurs le travail colossal de documentation qui a été mené pour restituer au mieux l’Histoire, toile de fond de l’histoire romancée qu’est La Promesse.


De fait, la réalisation de Terry George s’inscrit pleinement dans la filiation néo-hollywoodienne en ce qu’elle met en scène une romance -au sens contemporain du terme- bouleversée par la tragédie historique de 1915 ; on retrouve ainsi un schéma narratif classique et similaire, notamment, au Pearl Harbor de Michael Bay, traitant lui aussi d’une triangulation amoureuse au cœur d’une Histoire tragique. Bien que classique, la narration sentimentale est convaincante et les trois acteurs principaux parviennent à apporter une profondeur touchante à l’événement historique ; notons à ce propos que Christian Bale se fait ici pour la seconde fois écho d’un événement historique occulté, après le très bon Sacrifices of War, passé lui aussi quelque peu inaperçu dans le paysage cinématographique. La tentation hollywoodienne a toutefois pour effet de diluer le propos de la réalisation, alors même que celle-ci multiplie les scènes dramatiques.


En termes de narration La Promesse rencontre en ce sens des inégalités très nettes, oscillant entre l’ambition de dresser la fresque historique la plus vraie et étendue qui soit et son attrait pour un sentimentalisme qui nous semble bien plus dispensable et à l’origine de quelques longueurs. Cela semble d’autant plus dommageable que la réalisation parvient à installer un cadre des plus saisissants en restituant une atmosphère d’époque convaincante, illustrant à merveille le déclin de l’Empire ottoman. Toujours en mouvement, la caméra de Terry George saisit véritablement l’élan tragique de l’année 1915 et offre au spectateur une imagerie forte et par là même nécessaire.


On restera néanmoins réservés quant à certains aspects historiques et politiques de la réalisation, notamment en ce qui concerne les lacunes orientalistes du long-métrage ; le casting, s’il est brillant, n’est peut-être pas toujours judicieux en termes de représentation, et le traitement des antagonistes paraît lui aussi parfois caricatural. Par ailleurs, la représentation occidentale somme toute assez complaisante est, elle aussi, à interroger : montrer un Occident salvateur et porteur de valeurs égalitaires nous semble un peu biaisé en 1915, alors même que se rencontrent l’impérialisme étasunien et le colonialisme français. S’il ne s’agit évidemment pas ici de remettre en cause le rôle des grandes puissances occidentales en ce qui concerne l’aide apportée au peuple arménien en 1915, il nous semble toutefois essentiel de souligner la nécessité d’une vision sinon critique, du moins nuancée.


La réalisation de Terry George, malgré ses quelques maladresses, nous apparaît cependant comme un événement cinématographique essentiel en ce qu’elle met en lumière une tragédie historique bien trop longtemps absente des écrans de cinéma. La Promesse est, en définitive, un récit poignant sur le génocide arménien auquel le long-métrage offre une visibilité nouvelle et nécessaire.


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vincentbornert
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le 3 déc. 2017

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