J'ai vécu.
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Le film ploie sous le poids du roman magistral de Gary. Hommage touchant et appuyé, il ne parvient pas à s’extirper d’une réalisation trop lisse, manquant d’audace, où tout respire la qualité et la noblesse de la Comédie française pour adapter l’œuvre d’un homme impertinent et unique, électron libre gaulliste à la sexualité déjà libérée qui parcourt le désert aride du Sahara et les étoiles mondaines d’Hollywood.
Le cinéma n’est pas démuni lorsqu’il s’agit d’adapter la littérature. De Kubrick à Scorsese de nombreux réalisateurs ont transformé des œuvres, imposé leur imaginaire, accordé le récit aux spécificités des images parlantes, de ce théâtre qui se joue des limites visuels quand le roman dupe les mots. D’une merveille a pu en naître d’autres.
Mais la tâche est sûrement presque insurmontable pour mettre à l’écran celui qui a toujours pris « la vie pour un genre littéraire », dont le style naturel teinté d’humour est indissociable du récit d’une vie exceptionnelle et fantasmée. Face à ce monument, à celui qui jongle artiste avec une langue qu’il a découvert sur le tard, « il est difficile, lorsqu’on sent le couteau sur la gorge, de chanter juste. » La voix du film défaille, s’ankylose, et avec tout le respect légitime qu’inspire la noble institution de la Comédie, la leçon n’a pas été retenue : « ce que la vieillesse a appris est en réalité tout ce qu’elle a oublié ». Ce film est déjà trop vieux, trop fini, trop bouclé, là où Gary a cette « façon instinctive d’aborder la vie comme une œuvre artistique en élaboration ». Le récit suit linéairement le roman. La lettre prime sur l’esprit, laisse en chemin la subtilité de son auteur. Alors « dans le genre bovin, il avait incontestablement de la grandeur. »
L’échec était-il inévitable ? Gary lui-même n’a pas réussi à entamer la transformation de son œuvre littéraire au cinéma, laissant derrière lui deux films et une carrière de réalisateur tout à fait oubliable. A tout le moins, la trahison du roman serait indispensable pour réussir. Il faudrait imposer une nouvelle vision, détourner le mythe Gary, jouer de ses faiblesses et contradictions, celles de l’homme qui écrit qu’« il ne faut pas avoir peur du bonheur. C'est seulement un bon moment à passer » (Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable) et se suicide en 1980, laissant un fils orphelin. C’est peut-être là que résiderait le plus bel hommage envers celui qui a fait de sa vie un roman, qui a toujours eu une immense compassion pour les fragilités de ses personnages, qui n’a cessé d’écrire pour les blessés de la vie. Je me plais à croire qu'un biopic magistral est possible.
Pour ma part, j’attendrai patiemment une adaptation à la hauteur du chef d’œuvre littéraire qui a conquis mon admiration.
Créée
le 11 mai 2022
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