Ayant vu très jeune la Règle du jeu après la Grande illusion, je n'aimais pas ce film parce que je n'y comprenais rien, pour moi ce n'était que futiles bavardages qui m'ennuyaient. Et puis avec les années, je l'ai revu 1 fois, 2 fois, et j'ai pu y déceler tout ce qu'a voulu montrer Jean Renoir et l'apprécier pleinement ; encore tout récemment, je me suis régalé. Ce n'est peut-être pas le chef-d'oeuvre qu'on veut clamer un peu partout, mais c'est quand même excellent.
Alors certes, c'est un marivaudage cynique qui au premier abord peut agacer, mais c'est surtout une satire sociale tournée en farce légère à l'ironie cruelle. C'est une satire féroce de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie sur les relations tumultueuses d'un marquis où Renoir a cerné les attitudes d'un trait narquois, en pointant l'hypocrisie, le mensonge et les tourments amoureux qui se reflètent de façon amusante sur la domesticité, car le film n'épargne personne à la veille de la Seconde guerre mondiale, il est dur avec ce semblant d'aristocratie qui s'efforce de conserver ses dérisoires privilèges, et peu tendre aussi avec les domestiques qui imitent leurs maîtres.
Bref, ce chassé-croisé entre maîtres et valets dans le décor d'un château en Sologne est un vrai défouloir pour Renoir, à tel point qu'il fit scandale et valut à Renoir une série de remous qui amenèrent des coupes, car jugé trop subversif, démoralisant et trop cinglant. La liberté de ton a aussi sérieusement dérangé la critique et le public, car le film montrait l'aspect futile, vain, ridicule et tragique des personnages où les règles du jeu n'existent que pour être transgressées.
Au lendemain de la guerre, le film ressortit mais connut le même sort, il ne sera réhabilité par la critique que vers 1965 où il fut présenté dans sa version intégrale, et d'ailleurs je trouve que l'engouement est devenu aussi excessif que le rejet d'avant. En tout cas, cette sorte de comédie humaine est à voir, ne serait-ce aussi pour l'interprétation qui est au summum, notamment Dalio, Paulette Dubost et Carette.