À trop respecter la règle du jeu, c'est la société qui se dérègle !
Critique consacrée à "La Règle du jeu" réalisé par Jean Renoir.
Désastre commercial à sa sortie durant l'été 1939, il provoqua de violentes réactions. On tenta d'incendier certaines salles dans lesquels il fut projeté. Quand la guerre éclata, il fut même interdit pour : "atteinte au moral de la nation". Avec le temps, il fut consacré grand classique du cinéma français. Il est intéressant de préciser que c'est une adaption moderne d'une pièce de Marivaux intitulée "Caprices de Marianne".
Commençons par raconter la trame initiale de l'oeuvre. Si vous venez de voir le film ou que vous vous en souvenez encore : rendez-vous au paragraphe suivant.
Un aviateur nommé André Jurieu vient de battre un record en traversant l'Atlantique. Accueilli par une foule en liesse, il raconte au journaliste qu'il a accompli cet exploit dans le but de séduire Christine qui est marié au marquis de La Chesnaye. Desespéré de voir qu'elle n'a pas fait le déplaçement, il tente de se suicider. Octave qui est l'ami et le confident de Christine et de André, tente de persuader le mari de Christine d'inviter André pour une partie de chasse en Sologne, afin qu'il revoie Christine. Tout d'abord méfiant, il accepte l'invitation qui permettra une diversion pendant qu'il règle les problèmes avec sa maîtresse. Du côté des domestiques, la femme de chambre de Christine, Lisette, est marié au garde chasse Schumacher mais elle est aussi courtisé par le braconnier Marceau, recemment engagé comme valet.
Pendant près de 2 heures nous allons suivre les tribulations amoureuses des différents protagonistes. Ces intrigues amoureuses s'entremêlent et se croisent entre quiproquo, jalousie et méfiance. Par la suite, on assiste à une montée progressive de la tension dramatique qui atteindra son paroxysme lors de la soirée costumée où paradoxalement les masques tombent brusquement. La 1ère partie de chasse s'avère être une sorte de chasse amoureuse où chacun cherche désespérement sa cible. Puis cette chasse amoureuse va se transformer en chasse à l'homme dans l'humble demeure du marquis dans laquelle chacun en voudra à quelqu'un. S'ensuit l'apaisement pour mener vers un rebondissement final qui fait l'effet d'une bombe surtout qu'en on apprend le fin mot de l'histoire.
Au niveau de la forme, ce qui frappe d'entrée de jeu, ce sont les dialogues mais surtout le jeu des acteurs qui sont d'une justesse impressionnante. La réalisation vaut aussi son pesant d'or. Elle repose essentiellement sur la profondeur de champ et l'utilisation de caméras virevoltantes d'une fluidité remarquable. On remarque aisément une filiation avec le théâtre tant les points commune sont nombreux. On peut citer l'exemple des mouvements et déplaçements des personnages qui semblent chorégraphiés. La succession d'interactions entre les personnages tour à tour comiques et dramatiques va dans ce sens.
Impossible de classer le chef d'oeuvre de Renoir dans un genre distinct. Sorte de tragédie, de satire sociale, véritable fresque de la société aristocratique et bourgeoise de l'époque. Une société en pleine déliquescence qui repose sur des valeurs d'hypocrisie et de mensonge. Un climat qui s'est avéré propice à la montée du fascisme tant les gens semblent absorbés et aveuglés par la règle du jeu. Un constat qui en a surement fait frémir plus d'un à l'époque. Pas étonnant qu'il fut l'objet d'un rejet catégorique de la part du public qui ne s'assume pas.
En conclusion, un grand classique du cinéma français qui marque par sa richesse et qui doit être vu au moins 1 fois par quiconque veut enrichir sa culture aussi bien cinématographique que sa culture générale. On va pas se mentir, "La Règle du Jeu" a comme un peu vielli et ne doit pas être juger au même titre que des oeuvres récentes. Il faut, quand même, s'accrocher et être un minimum ouvert pour profiter pleinement de sa qualité.