Sorti en 2009 et réalisé par Eugène Green, cinéaste et écrivain français né aux États-Unis, La Religieuse Portugaise est un film qui n'adapte pas directement le livre du Comte de Guilleragues mais raconte plutôt l'histoire de l'actrice Julie Hauranne (jouée par Leonor Baldaque), une actrice française récemment arrivée au Portugal dans le but de boucler le tournage d'un film adaptant cette fois-ci directement Les Lettres Portugaises, film dans lequel elle tient le premier rôle. C'est par le biais d'une réalisation inhabituelle et de son style particulier qu'Eugène Green va raconter l'histoire de cette actrice dont la vie va être bouleversée par ce tournage et dont l'histoire semble parfois faire à écho celle de Mariana.
Ce qui frappe lorsque l'on regarde La Religieuse Portugaise, et ce dès son introduction, c'est sa lenteur : le film débute par un lent panoptique de plus d'une minute, et la première parole n'est prononcée qu'après plus de 6 minutes de plans fixes présentant quelque peu la ville. Et tout le reste du film conservera cette lenteur, que ce soit dans ses actions, ses dialogues ou sa réalisation, réduite au strict nécessaire, c'est-à-dire constitué majoritairement de plans fixes. Un film qui, d'ailleurs, va nous faire suivre Julie durant presque tout son séjour puisque commençant par son arrivée à l'hôtel et se terminant quelques jours avant son départ du pays. Durant cette période, l'actrice va faire diverses rencontres, celle d'une aventure d'un soir, d'un acteur ou bien d'un jeune garçon. Chacune de ses rencontres seront l'occasion pour les personnages du film de philosopher sur l'amour, le destin etc... Tout cela dans des dialogues filmés de manière très peu cinématographique, les champs-contrechamps du film étant souvent constitués de gros plans sur les personnages, pouvant donner l'impression que ceux-ci regardent moins leur interlocuteur que la caméra et/ou le spectateur. D'une manière générale, toute la réalisation de La Religieuse Portugaise semble vouloir déstabiliser le spectateur, à l'exemple de scènes de dialogues dans lesquels les personnages n'apparaissent pas mais où Green nous montre plutôt un panorama de la ville, cela couplé au jeu d'acteur volontairement peu naturel et à la réalisation lente. Cela dit, le film donne parfois l'impression de beaucoup tourner autour de Julie au détriment de tout le reste, un personnage principal qui semble d’ailleurs enchaîner les aventures amoureuses voire même sexuelle; donnant parfois l'étrange impression de regarder un film dans lequel tout les personnages ou presque veulent coucher avec l'actrice. Cela atteint même un certain côté malsain lorsque l'acteur partageant l'affiche avec Julie (puisque jouant le marquis de Chamilly), joué par Adrien Michaux, lui demande de coucher avec elle, ce après lui avoir expliqué qu'il avait besoin d'une aventure d'un soir pour briser la monotonie de son mariage.
En réalité, la réalisation d'Eugène Green semble vouloir rappeler une expérience littéraire, cela étant alors appuyé par le choix d'une réalisation posée et et minimaliste mais également par un jeu d'acteur peu naturel, puisque tout les acteurs qui semblent bien plus réciter un texte qu'autre chose. Le film va d'ailleurs développer de nombreux parallèles avec le livre de Guilleragues et même une mise en abyme intéressante, notamment par le fait qu'il soit question du tournage d'un film adaptant les Lettres Portugaises et que Julie Hauranne elle-même soit une actrice travaillant sur cette adaptation. Tout cela servant alors le propos du film qui, au final, semble être une réelle dissertation d'Eugène Green qui va initialement partir des Lettres Portugaises et, au travers des personnages de son film et plus particulièrement de l'impact qu'aura le tournage de La Religieuse Portugaise sur Julie, va aborder des thèmes tels que l'amour (qu'il soit sentimental, purement sexuel ou familial), ou encore la religion. La Religieuse Portugaise n'est donc pas une adaptation stricto-sensu des Lettres Portugaises mais plutôt un regard moderne et personnel sur tout les thèmes que pouvait porter le livre du comte de Guilleragues.
En tant qu'adaptation, La Religieuse Portugaise réussit "l'épreuve de l'originalité" en réussissant à ne pas être une adaptation pure et dure mais en inscrivant les Lettres et les thèmes qui transparaissent de celle-ci dans un univers crédible et réel, cela tout en opérant une habile mise en abyme qui participe fortement à la crédibilité du récit, donnant l'impression que l'histoire contée est l'histoire vécue par les vrais acteurs. Toutefois, en tant que pur film, La Religieuse Portugaise pêche par un manque total de rythme et une lenteur extrême qui pourra perdre bon nombre de spectateurs tout cela couplé à une réalisation pour le moins inhabituelle qui ne peut être comprise qu'au travers d'une analyse formelle rend le film bien trop complexe à aborder.