De nombreux films, de nombreux documentaires, de nombreux ouvrages se sont penchés sur ce que peut représenter l'action de donner la vie. Mais donner la mort ...?
Entremêlant savamment thriller policier et film psychologique, "La Résistance de l'air" tente d'approcher ce point, à travers le destin, initialement banal, de Vincent Cavelle, en manque d'argent et d'ardeur dans son couple, mais excellant, dans le club de tir où il s'entraîne, à faire mouche à trois cents mètres. On songe sans doute avant lui à le voir tirer profit de ce don, qu'il exerce avec beaucoup de naturel et en toute décontraction. D'autant que son quotidien déjà passablement lesté achève d'être grevé par l'installation, chez lui, d'un père vieillissant et multipliant les défaillances et les dérapages à tous points de vue. On ne peut d'ailleurs se défendre d'une certaine admiration pour Tchéky Karyo, qui endosse vaillamment, ces temps-ci, des rôles d'aïeul plus ou moins proche de sa fin, alors que son physique lui autoriserait des incarnations autrement plus vivantes...
Toujours est-il que, lorsque son rejeton se fait approcher par un recruteur de tueurs à gages, le film aborde ses aspects les plus pointus et les plus brillants : tout d'abord par le duo, assez jubilatoire, mis en place entre Reda Kateb et Johan Heldenbergh en recruteur faustien, qui offre au premier richesse et plaisirs divers ; puis par le questionnement posé autour de l'acte de donner la mort. Quand la mort administrée, commandée, va se révéler avoir comme magiquement entraîné la mort d'un proche, quel sera le positionnement de celui qui se retrouve placé dans le rôle d'une Parque punie ? On ne comprend que trop que le geste fatal devienne alors addictif et doive se voir répété pour conjurer, expier, rejouer... Quitte à entraîner l'exécutant dans une spirale que l'on sait, d'emblée, infernale.
L'une des grandes qualités de ce film d'action est de ne pas céder à la précipitation habituellement prescrite, au rythme trépidant obligé. La tension s'installe, tout en concentration et précision, conformément à ce qu'impose l'art du tir si éloigné. De très gros plans montrent méticuleusement la préparation des armes, des balles. Et l'on se prend à songer à un tout autre art, celui du chant, qui exige la même précision du tir, la même justesse implacable, puisque, de même qu'avec une cible, l'approximation est proscrite.