Qui pourrait déclarer haut et fort qu’un film sur une fille qui pourchasse l’homme
qu'elle aime, est blonde, fan de mode, qui rentre parfaitement dans l’idéal des hommes et
qui vénère par-dessus tout le rose est féministe ? Moi et sans la moindre hésitation !
Legally Blonde de Robert Luketic sorti en 2001 n’a au prime abord rien pour défendre ce titre :
Ce Teen-Movie nous montre la vie presque parfaite d’Elle Woods interprétée par Reese
Witherspoon. “Presque” puisque son copain vient de la quitter car elle ne paraît, selon lui,
pas assez “sérieuse” pour qu’ils restent ensemble à l’université, surtout si ce dernier
souhaite intégrer Harvard. Elle fait alors un choix radical : réussir à intégrer Harvard et
reconquérir l’homme qu’elle aime.
Comme tous les Teen-Movies, celui-ci repose aussi sur un voyage initiatique, en
l'occurrence celui de Elle Woods qui démarre le film pour seul objectif dans sa vie : suivre et
reconquérir son ex.
Au fur et à mesure de l’histoire, cette dernière se rend compte
qu’essayer de ressembler à ce qu’elle n’est pas pour plaire aux autres est vain. Elle se
dirigera alors vers une nouvelle voie : réussir pour elle et personne d’autre, et si Elle porte
du rose, ce n’est pas pour attirer vos regards mais car Elle aime ça.
Elle finira en restant honnête à elle-même, fan de mode, de rose et de son chihuahua, mais avec une nouvelle certitude : elle n’est pas qu’une apparence.
Ce que je trouve judicieux dans ce film c’est la façon de réhabiliter l’archétype de
La Blonde qu’on retrouve dans tous les teen-movies, films d’horreurs… De la garce
imbuvable de Heathers (1988) à la midinette sans cervelle de Mean Girls (2004), Elle
Woods rend justice à la Blonde en devenant le personnage central de son film (La Blonde
est normalement cantonnée au rôle de side character qui a pour seul but de porter le sex
appeal du film).
Le personnage de la Blonde est bien sûr sujette au male gaze, et c’est l’un de ses premiers
buts : parfaitement rasée, coiffée et une belle posture (même son nom la réifie à l’un de ses
attributs), elle a tout pour se faire désirer par l’homme devant son écran.
Pour en revenir à Legally Blonde, Elle Woods coche aussi toutes ces cases, et
pourtant la façon dont ce personnage est traité par la caméra (sauf pour les 3 premières
minutes du film), ne nous donne en aucun cas la sensation que cette dernière est un objet
de désir pour le spectateur, mais plus une amie que l’on rejoint dans son récit.
C’est ici que la frontière entre le male gaze et le female gaze du film est intéressante. Les
éléments diégétiques du film (le récit, les hommes et certains personnages féminins) nous
laissent entrevoir le male gaze qu’Elle subit. Les éléments extradiégétiques (traitement du
son, plan de caméra) nous montre que le réalisateur ne supporte pas du tout les intentions
et pensées des personnages envers elle, tout en nous intégrant auprès d’elle dans son
entourage avec bienveillance (female gaze).
L’entretien qu'Elle porte à son corps dans l’introduction est un paterne qui sera
constamment mis en confrontation : Elle se fait belle (comme dans la séquence présentée)
et/ou change (mettre des lunettes et porter des couleurs moins flashy pour paraître plus
sérieuse) pour plaire à son copain; c’est aussi pour elle une source de réconfort (aller chez
le salon de beauté quand-elle est triste) et de réaffirmation (le choix de son look le dernier
jour du procès). On retrouve cette dualité tout le long du film, entre ce souhait de plaire aux autres et celui de se plaire et d’être comme on est pour soi-même avec le
spectateur à ses côtés.
Cette introduction de film nous montre les intentions du réalisateur en ce qui
concerne le regard porté à Elle Woods et aux autres personnages du film. A la fois cliché
d’un sujet de désir et personnage au but peu complexe, la Blonde a été trop longtemps
malmenée au cinéma. Robert Luketic nous offre avec Legally Blonde une interprétation plus
fraîche et bienveillante de l’archétype, et avec ce mélange poreux entre Male et Female
Gaze, Legally Blonde devient un petit sujet d’étude bien trop méprisé de par son statut de
Teen-Movie et les aprioris qui l’entoure.
(ce 10 / 10 est mérité. Vous n'aurez pas de justification.)