Commencer à regarder une adaptation cinématographique portant sur le personnage de Sherlock Holmes est toujours un risque en soi : le risque d'être déçu par un rythme trop lent, voire même une enquête bien peu trépidante; le risque de tomber sur des acteurs sans charisme, qui ne colleraient pas au personnage; le risque d'un manque de fidélité flagrant, d'une liberté dans l'adaptation propice au lynchage des plus grands fans du personnage.
La Revanche de Sherlock Holmes contient, d'une certaine manière, tous ces mêmes cas de figure en un résultat étrange mais guère décevant. On n'est pas déçu par l'oeuvre de Simon Cellan Jones, du moins si l'on n'attend rien d'un téléfilm de la BBC aux moyens fort modestes. Si l'on y va sans trop réfléchir, sans avoir d'attentes concrètes et appuyées, le moment pourra s'avérer propice à la détente.
Et même si le film pâtit de quelques lenteurs - la faute à une mise en scène qui peine à tout rendre passionnant -, il n'en demeurera pas moins une enquête qui attise l'intérêt, enquête inédite si ma mémoire ne me fait pas défaut : le point de départ de l'intrigue, les éléments apportés par notre fameux Sherlock, la résolution de l'intrigue, c'est maladroit mais très prometteur. Le film part dans de multiples pistes, parfois même trop : il tente, se rate, tente de nouveau, réussit ou se rate (au choix).
Cependant, la linéarité de l'intrigue laisse un mauvais arrière goût en bouche, rendue poussive par l'enchaînement des meurtres trop fréquents si l'on compare, de manière proportionnelle, à l'avancée progressive de l'enquête de Sherlock toujours à la ramasse. Tout le long, Holmes patine sans que ce soit justifié par l'intrigue (il n'est jamais mentionné le génie criminel de l'antagoniste), ne fait jamais vraiment preuve de son génie de détective; des répliques méprisantes sont sorties, la résolution se fait de manière géniale, presque exagérée : c'est décousu, au point que l'on ne voit plus Sherlock comme un génie de détective, plus comme une copie low coast au caractère relativement identique, les déductions parfaites en moins.
Sacré clivage donc, qui se verra accru par le jeu surprenant de son acteur principal, Rupert Everett. Tenant plus de Stallone que de Cumberbatch ou John Neville, l'acteur nous dresse un portrait surprenant du personnage; bien plus torturé que sociopathe, plus toxicomane que génie. C'est un profond désaxé que l'on tient là, un homme perdu au milieu des autres adultes qui eux comprennent le monde qu'il ne saurait percevoir normalement. Holmes est un enfant perdu dans le monde, un asocial prenant son plaisir dans l'arrestation des mauvaises personnes de son espèce : : sadique, en dehors des moeurs et des valeurs de la société, c'est une vision profonde et intéressante du personnage, même si tout le monde n'appréciera pas la froideur d'Everett.
L'interprète est froid, son regard vide : il manque singulièrement de charisme, même si la classe anglaise s'affiche constamment dans son jeu, sa tenue de corps et de vêtements. Pour l'épauler, un Ian Hart campant un Watson très correct, cohérent avec la vision qu'a l'oeuvre de Sherlock Holmes, qui même s'il n'atteint jamais des sommets d'interprétation (le rôle le veut, en même temps) permet de donner de l'épaisseur à un Sherlock original.
On trouvera un excellent Michael Fassbender dans un rôle marquant, qui vire parfois à la caricature mais n'en perd pas de son efficacité. Il commençait là sa carrière, et le faisait de manière fort honorable. Froid et charismatique, il posera là les bases de sa carrière prochaine, à l'exception prêt que le surjeu n'était pas encore bien réglé.
Et si l'on omet la surprise du twist final (quoi que légèrement tiré par les cheveux), il faut reconnaître au film d'être gâché par la linéarité de son ton; manque de budget ou de talent, nul ne saurait dire pourquoi l'oeuvre se déroule si lentement, sans parvenir à passionner son spectateur. Sûrement un étrange mélange des deux, propice à un certain ennui. On retiendra tout de même la vision intéressante du personnage, l'un des premiers rôles de Michael Fassbender, les décors et maquillages réussis, l'intrigue imparfaite mais qui tente des choses. Sympathique.