Autres temps (pliés), autres morts
Jusqu'à présent, les films de zombies représentaient un genre que je fuyais. Ils m'ennuyaient profondément. Et pourtant, j'en ai essayé, des classiques, des prétendument révolutionnaires (comme celui de Danny Boyle, qui est bien pourri), des Fulci, des Romero, et bien d'autres encore. J'avais l'impression de toujours voir le même film, avec toujours les mêmes scènes.
Comprenez bien mon désarroi. Je lisais, sur ce site, à longueur de critiques, des textes remarquables sur des films de zombies. J'avais envie de partager vos envies, mais ça ne marchait jamais.
Jusqu'au jour désormais béni où j'ai découvert La Noche del terror ciego, qui m'a ouvert d'un coup deux horizons qui me restaient bouchés : les morts-vivants, et le nanar espagnol (époque franquisme agonisant).
Car nous avons ici bel et bien affaire à un nanar, de la plus belle espèce : acteurs minables, réalisation qui multiplie les fautes à ne surtout jamais commettre, montage délirant, et j'en passe. Un de ces nanars qui jouent à fond sur l'alliance sacrée sexe+sang. Donc, on a des filles à moitié dénudées (à moitié seulement : nous sommes dans le Très-Catholique-Espagne, faut pas rigoler avec ça ! Une fesse ou un sein, mais pas les deux en même temps !) en train de se faire mettre en pièces.
Le sommet du pseudo-érotique, c'est un flashback qui nous montre les deux protagonistes féminines, à l'âge tendre de l'adolescence, uniquement vêtues d'une robe de nuit d'un blanc virginal, en train de faire touche-pipi dans un quelconque pensionnat de jeunes filles de bonnes familles. Deux demoiselles incarnées par des actrices trentenaires, à qui on a fait des couettes (les couettes, ça rajeunit direct une femme). Et la scène est entrecoupée de plans subtilement symboliques sur un train. Un régal !
Figurez-vous que, puisque la production ne lésine sur aucun moyen, le film se paie le luxe de raconter une histoire.
Nooon ?
Oui !
Nous avons donc deux jeunes femmes (en bikini) qui se retrouvent. Virginia et Betty. Puis, suite à une ambiance un peu pourrie puisque Betty veut se farcir le mec à Virginia, la future-cocue préfère se jeter d'un train en marche (avec sa valise) et parcourir la campagne seule.
Normal.
Arrive alors la meilleure scène du film. Virginia arrive dans une abbaye en ruine. Tout est complètement détruit, il ne reste pas deux pierres l'une sur l'autre, chaque pas soulève de la poussière, il n'y a manifestement pas âme qui vive, mais notre demoiselle, dans un grand élan d'intelligence dont elle a le secret, frappe à une porte en hurlant : "y'a quelqu'un ?" Et elle réitère son forfait à de nombreuses reprises.
Normal.
Ensuite, elle fait le tour du propriétaire, en commençant par le cimetière que l'on doit traverser. Et, alors que chaque centimètre carré semble hurler "je suis hanté", que fait la donzelle ? Elle se fout à poil (pardon : à moitié seulement), se glisse dans un duvet et s'installe bien gentiment en attendant de se faire massacrer.
Il faut bien dire, pour sa défense, que les zombies que l'on voit alors sont d'une discrétion à toute épreuve. Elle n'a pas pu les entendre arriver : une dizaine de chevaux qui galopent dans les ruines d'une abbaye, ça passe inaperçu !
Normal.
Et si vous pensez que les qualités du film s'arrêtent ici, moult vous gourez, messires.
Ainsi, vous avez ici l'occasion de vous culturer. En effet, on y apprend, presque au passage, discrètement, que les Templiers adoraient Satan en l'an 1250.
Qui a dit qu'on ne pouvait pas apprendre tout en s'amusant ? prenez des notes, un peu !
De plus, histoire d'être sûr de plaire à un public large, les zombies ne se contentent pas d'être de vulgaires morts-vivants. Que nenni ! Cela est bon pour les manants ! Ici, nos morts-vivants, ils sont également un peu vampires et franchement satanistes.
Et templiers.
La classe !
En bref, ce petit bijou, ce régal que ne peuvent savourer que ceux qui savent s'éloigner des sentiers battus, est à voir. Personnellement, il m'a réconcilié avec les films de zombies.
Bel exploit.