Oui, il y a en effet clairement un sursaut dans ce film-là, et HSS arrive de nouveau à me séduire avec un de ses nouveaux films. ça se voit rien qu'en nombre de plans (ce qui n'empêche pas les très nombreux et très beaux plans séquences), ses positions de caméra, les jeux des acteurs. Le cinéaste est moins en roue libre, et c'est tant mieux. C'est toujours un cercle fermé 5 personnages qui se croisent toujours par hasard et comme par miracle, mais ce n'est jamais un problème, car c'est le monde de HSS, et celui-ci à sa cohérence, comme celui de Rohmer avait la sienne. N'existent dans ce monde que les personnages qui servent au récit, pas besoin de faire passer un passant si ce passant n'a rien à dire, et c'est très bien ainsi. Là c'est une romancière, qui revoit sa copine libraire, puis qui croise un cinéaste, qui lui présente une actrice, avec qui elle devient amie, qui lui propose de se rendre à la rencontre d'un poète, qui se trouve être un de ses anciens amants, et que la rencontre se déroule qui plus est chez sa copine libraire du début (qui bizarrement ne lui a pas parlé de la rencontre devant se passer quelques heures après alors qu'elle craignait pourtant qu'il n'y ait personne et qu'elle devait sans doute savoir qu'ils avaient été amants, mais bon, passons). Il n'y a que ces personnages-là, plus deux ou trois annexes mais tous narrativement actifs, et ensemble ils forment un cercle, j'ai presque envie de dire une ronde, tant ils semblent prendre du plaisir à se croiser, se rejoindre et interagir. Je n'ai pas revu La Ronde d'Ophüls depuis longtemps, mais j'y ai pensé. L'autre grande idée du film, c'est le film dans le film, celui que décide finalement de réaliser la romancière, avec cette grande actrice qui est devenue son amie en quelques heures. Il y a donc une ellipse, ce qui est assez rare chez HSS et montre encore l'envie qu'il y a dans ce film-là. Avec cette ellipse, il brise le cercle initial confortable et fait clairement avancer deux personnages sur son échiquier, les deux femmes ne sont donc plus les mêmes après le film, elles ont réalisé ça. Ce film dont nous ne voyons aucune image, est l'occasion pour HSS de réaliser un joli tour de passe-passe final avec le spectateur : on voit défiler le générique de fin, et c'est clairement celui du film que nous voyons, réalisé par Hong Sang Soo, avec le vrai nom des acteurs que nous venons de voir, les gens commencent à se lever de leurs fauteuils, mais le film reprend. Ce générique-là était celui du film dans le film. Ce qui n'est clairement pas possible puisqu'il a été réalisé par la romancière et pas par HSS, mais ce tout petit tour de passe passe crée une mise en abyme assez vertigineuse même si le cinéaste ne la verbalise pas. Il se contente de faire ça, et de nous laisser nous débrouiller avec, et j'y ai ressenti quelque chose d'assez fort, notamment dans ce que le cinéaste veut dire ici de son propre cinéma.