Tournez ménages
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Ophüls serpente sournoisement avec sa caméra, traînant un œil chastement voluptueux dans les recoins obscurs du désir, papillonnant de lieux clos en rues sombres pour surprendre le baiser augural avant de respectueusement se soustraire. Sous la légèreté des mœurs de ses personnages, il pose une réflexion sur l’amour en déclarant l’incompatibilité de celui-ci et du désir, le premier se voulant durable et le deuxième trop passager.
C’est justement ce passage, ce mouvement, perpétuel pour ainsi dire, du désir qu’Ophüls cherche à saisir : son flottement constant, passant d’un coin de rue mal éclairée à une niche secrète sous un pont, d’un bal populaire à un banc public caché sous des arbres et plongé dans une nuit riche en baisers, d’une maison de propriétaire où travaille la servante à la chambre aux volets clos du jeune homme de la maison, sans oublier la garçonnière, la chambre maritale, le boudoir, la loge d’un restaurant, etc – bref, autant de lieux où les portes, les fenêtres et les volets se ferment, où la lumière s’atténue, où l’intimité et le secret se déploient librement, sous le regard à la fois amusé et gentiment cynique d’Ophüls. D’où le thème de la Ronde, menée par ce représentant du metteur en scène, qui prend des formes musicale, spatiale, sentimentale et narrative (la boucle qui se clos sur elle-même).
Au-delà de la poétique spatiale qui caractérise son cinéma, Ophüls peint les mœurs frivoles et les amours passagères de personnages de tous, lesquels ont tous en commun l’ardeur du désir qui les éloigne de la traditionnelle fidélité et autres normalisations de l’amour. Néanmoins, il se garde de les juger moralement : au contraire, il semble prendre parti pour ce plaisir éphémère qui s’éloigne des marges du temps et condamne l’amour conjugal qui s’enlise dans le tic-tac monotone d’une horloge trop bien huilée.
Une œuvre fondatrice, desservie par les meilleurs acteurs d’alors, avec mention spéciale pour le regard plein d’ardeur de Simone Simon, la servante, sans oublier Simone Signoret et Serge Reggiani.
Créée
le 26 mars 2022
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