Injustement méconnu en France, et pour cause, puisqu'inédit chez nous, La Ronde du Crime est censé être une adaptation d'un show de CBS, d'abord à la radio (1950-1953) puis lui aussi décliné en série (1953-1960). On y suit le travail de deux inspecteurs dans la ville de San Francisco. Le film de Don Siegel semble en prendre le chemin avec cette affaire de trafic d'héroïne qui arrive sur le sol américain dans les bagages des passagers des bateaux à leur insu! Un accident plus tard, le lieutenant Ben Guthrie et l' inspecteur Al Quine se retrouvent chargés de l'enquête! Le duo de flic est interprété par Emile Mayer et Warner Anderson , ce dernier reprenant son propre rôle de la série. Donc, jusque là rien de bien surprenant et on semble parti pour un policier classique.
Oui, mais voilà, à l'apparition d'un autre duo, de gangsters cette fois, avec Dancer et Julian joués par Eli Wallach et Robert Keith, le film prend une autre tournure, et Don Siegel en revient à son idée de départ qui ne convainquait pas le studio : à savoir suivre la tournée des deux malfrats qui deviennent alors les principaux protagonistes de ce film d'excellente facture!
Car effectivement, ce film noir regorge de qualités! La plume de Stirling Silliphant (à qui l'on devra Le village des damnés, Dans la chaleur de la nuit , ou encore l'excellentissime Les flics ne dorment pas la nuit ) se montre concise et efficace et la caméra de Don Siegel se fait précise, allant à l'essentiel, tout en magnifiant la ville de San Francisco! On a là un film sans fioritures aucunes, rêche et brut qui se contente d'aller à l'essentiel sans édulcorer et atténuer une violence forcément présente! Néanmoins la scène finale et la poursuite en voiture n'est pas avare en virtuosité!
Mais voilà, malgré ces qualités indéniables, le film ne serait probablement pas aussi bon sans la présence d'un tout nouveau venu au cinéma après une carrière d'une dizaine d'années au théâtre, un acteur que je n'oserais qualifier de jeune premier puisque pour son second film, il est alors âgé de 43 ans! Il s'agit d'un certain Eli Wallach qu'on ne présentera plus quelques années plus tard! Excellent dans le rôle du tueur psychopathe paranoïaque passant du gars charmeur et enjôleur au fou incontrôlable en un claquement de doigt, son duo avec Robert Keith,collectionneur d'épitaphes, misogyne et probablement amoureux de Dancer fonctionne à merveille! Wallach y est sobre et tout en retenue, loin du cabotinage qu'on pourrait éventuellement lui reprocher dans certains autres films! Il porte le film sur ces épaules et il assure!
C'est paradoxal, mais The Lineup est l'un des films les moins connus du réalisateur alors qu'il fait pourtant partie de ses meilleurs et qu'il ouvre la voie à un futur personnage bien plus célèbre! En effet, 13 ans plus tard, un autre inspecteur déambulera dans les rues de cette même ville, évoluant dans un univers tout aussi âpre et brutal, un certain Harry Callahan, Dirty Harry pour les intimes! Et un jeune acteur continuera son apprentissage du métier de réalisateur auprès de son mentor, un certain Clint Eastwood....