Et vous, ce sera quoi votre dernière phrase?
Je suis un peu triste de le dire, mais je n'aime pas à la folie tous les Siegel, malheureusement. Pourtant il influence clairement la génération actuelle de réalisateurs, c'est assez évident dans ce film noir de 1958. The Lineup fait partie des pépites qui me font baver dans sa filmographie!!
Le scénario est assez brillant. Don aurait pu se contenter d'une intrigue simple où l'on suit simplement les flics en train de remonter la piste. Classique. Efficace. Au lieu de ça, sans trop prévenir, il change de direction en plein film, nous confronte à deux brigands qui seront les véritables vedettes de ce film. A la manière de Hitchcock, Don évite le linéarisme autant que les facilités scénaristiques (dei ex machinae) en changeant les points de vue afin de rationaliser son histoire, de la complexifier aussi. Lorsque les flics progressent, Don change de côté, et nous montre les méchants, expliquant ainsi comment ce coup de chance chez les gentils a pu avoir lieu. Le deus est ainsi contré, annihilé et les personnages sont quant à eux mis sur un piédestal, véritable générateurs d'intrigue.
Paraîtrait que Eli Wallach était chiant durant le tournage, croyant tourner dans un mauvais film, jusqu'à ce qu'il comprenne la complexité de son personnage. Car oui les personnages sont creusés et fascinnent par leur profondeur. De la même manière il est amusant de constater que ce que les frères Coen font aujourd'hui, Siegel l'a fait depuis longtemps (je me dis que No Country for Old Men est un remake inavoué de Charley Varrick mais aussi un peu de The Lineup).
Ce n'est pas tout. La mise en scène est assez efficace. Don ne s'emmerde pas à révolutionner la forme cinématographique d'un film, mais se contente d'un montage nerveux et pertinent. Ca va vite, ça va bien. Les informations circulent à grande vitesse au début, puis le Don stoppe sa caméra pour nous présenter les deux vrais (anti)héros. L'action ne trapine pas à suivre, ainsi que les conflits sur plusieurs niveaux. Les acteurs sont très bons. Don est assez audacieux dans ses choix ; si le flic principal a la même gueule que Lee Marvin, il opte pour un jeunot qui n'a pas la gueule particulièrement mémorable encore (mais ça ne saurait tarder) : Eli Wallach tout jeune ! On sent que l'acteur n'arrive pas à jouer les poids lourds de façon naturelle (de la même manière que le ferait Lee Marvin, Clint Eastwood ou John Wayne), mais finalement ça colle bien au personnage. En fait, le gars est un peu gauche, de la même manière que l'air abruti de Walter Matthau nous trompe dans Charley Varrick, et convainc donc sur la fin avec un comportement innaproprié dira-t-on).
Bref, The Lineup est un excellent polar dont je retiendrai les méchants surtout avec leur petit jeu de la dernière phrase d'un mourant.