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Avant d’être un film, The Lineup (ou San Francisco Beat) était une série policière à la radio de 1950 à 1953 puis à la télévision de 1954 à 1960 ; à la radio, elle suivait les enquêtes de policiers grande ville américaine sans qu’il soit précisé laquelle. La version télé (pilote réalisé par Don Siegel) a situé l’action à San Francisco et a été tournée avec la collaboration de la police locale.
Ce n’est pas la réalisation si efficace de Don Siegel qui m’a causé la surprise ; il sait filmer la ville comme presque personne, il nous attrape au col et ne nous lâche plus. L’action démarre pendant le générique et ne s’arrête qu’à la fin. Pas de gras.
La surprise, c’est bien Eli Wallach. Bien sûr, constater qu’il s’agit d’un grand comédien n’est pas une surprise non plus. Non, ce qui est particulier dans ce polar de 58, c’est que le personnage principal, qui est le méchant, est interprété par un comédien, un vrai, et pas par un acteur. Un acteur, c’est une présence avant tout ; un acteur reste lui-même, quasi immuable, comme on est sensé l’aimer… et le personnage se moule sur lui. En revanche, un comédien, lui, se transforme ; il compose et se moule sur le personnage. Dans un polar habituel, même bon, les comédiens interprètent les seconds rôles et un acteur théoriquement charismatique tient le rôle principal. Ici, le personnage principal est comme un second rôle sur lequel on aurait bâti le film. Et ça, ça m’a vachement plu. Ici, pas de masque impassible comme l’ont adopté tous les « acteurs - héros » des polars depuis plus de 50 ans. Non, juste un personnage : dur et pas toujours adroit, autoritaire mais pourtant sous influence, tout en contradictions. Un vrai personnage, quoi !
Par ailleurs, l'intrigue est bonne (scénario de Stirling Silliphant « Dans la chaleur de la nuit ») et même si on se doute que ça va mal finir pour les méchants, il y a suffisamment de rebondissements pour nous tenir en haleine jusqu’au bout. Le côté hommage à la police de San Francisco n’est pas gênant ; d’ailleurs on peut dire, sans spoiler, qu’elle a la chance avec elle dans cette histoire.
Les comédiens sont parfaits. C’est l’un des derniers films de Robert Keith qui a toujours fait plus vieux que son âge (ici 61 ans). Même les plus jeunes reconnaîtront l’encore jeune blond Richard Jaeckel qui est un des plus fameux « characters » des trente années d’après guerre ; on l’a vu partout au cinéma comme à la télé (chez Aldrich notamment et très régulièrement). Les flics sont un peu plus en retrait (dommage pour Warner Anderson*, héros de la série TV), professionnels, neutres mais omniprésents bien sûr.
La photo d’Hal Mohr (L’équipée sauvage, les bas-fonds new-yorkais) est tout en nuances et dégradés de gris comme il se doit au pays du soleil.
Décidément, moi, j’aime Don Siegel.
AD: Le film est sur Youtube en VO pure et dure.