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Cérémonie des Rosières de Pessac, deuxième. 11 années après la première version, Jean Eustache retourne filmer les événements de 1979 et observer les changements ou les constantes. On a beau être passé à la couleur, ce qui est montré ici paraît incroyablement vieillot, la sensation est assez incroyable. Autant le maire de 1968 contrôlait son image de réactionnaire charmeur, autant celui du cru 79 peine à se hisser à son niveau — il sait bien qu'on le filme, il joue régulièrement de cette configuration, mais cela ne tourne jamais totalement à son profit. La faute, étonnamment, à plusieurs séquences bordéliques : la toute première, consacrée aux délibérations et à l'élection de la Rosière de l'année, est étrangement chaotique. On ce comprend pas grand-chose à l'organisation, au mode de scrutin, comme si tout le monde subissait la chose, là où le maire avait su se placer au centre des enjeux dans le volet précédent.
Les codes de la procédure sont scrupuleusement respectés, la cérémonie de la Rosière conserve son parfum subtilement rance de tradition héritée d’un autre temps — au tout début du Moyen Âge, indique le maire qui évoque la date de 525 sans certitude. Mai 68 n'est manifestement plus dans l'actualité, désormais on parle de chômage et d'autres joyeusetés giscardiennes plus contemporaines. Et, toujours, cette pauvre jeune fille qui donne l'impression de n'avoir rien demandé et sur qui tous les notables de la région posent leurs yeux... Il n'y a guère que les délires alcoolisés de fin de banquet qui pimentent le documentaire, avec ces passionnantes images dignes d'un film familial montrant des chansons à boire et la fameuse danse de la chenille.
Drôle de diptyque sociétal qui sonde deux époques ainsi que les évolutions (ainsi que les non-évolutions bien sûr) dans cet intervalle temporel, qui rappelle d'ailleurs un peu le procédé dual de Une sale histoire du même Eustache. La tradition se maintient, immuable malgré les arrangements locaux, même si la caméra et le montage d'Eustache se font un peu plus cinglants. Drôle de poésie. Et très beau plan final en reculant, tandis que le générique apparaît.
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