Si l'on se met à comparer ce film avec More ou Zabriski Point (deux autres films de hippies réalisés ces années-là par des réalisateurs européens), on peut se dire que La Route de Salina est d'entrée de jeu moins ambitieux, moins ample. L'histoire est simple : un auto-stoppeur tombe sur une maison campagnarde où on le prend pour un autre garçon disparu quelques années auparavant. Il décide de jouer le jeu et va vivre avec sa prétendue mère et sa prétendue sœur. Mais sont-elles vraiment persuadées qu'il est le disparu ou jouent-elles la comédie ?
Ce que La Route de Salina apporte de plus que n'importe quel films sur l'usurpation d'identité, c'est une ambiance particulière qui doit beaucoup aux paysages (ah, cette route qui traverse ces cratères de terres noires, c'est spécial !), à la musique (somptueuse musique morriconesque de Christophe, que pillera allègrement Tarantino pour son Kill Bill) et aux acteurs : notre héros déguingandé d'abord, certes parfois un peu niais, qui semble prendre les choses telles qu'elles se produisent, au jour le jour, au diapason d'une époque hippie célébrant le « carpe diem ». Les deux femmes ensuite, l'une étant jouée par une Rita Hayworth sur le retour, très convaincante dans son rôle de mère éplorée qui redoute la solitude, l'autre par Mimsy Farmer sans doute dans son meilleur rôle, en même temps humain mais ambivalent.
Donc peut-être pas de grande complexité scénaristique, mais une puissante et palpitante fable dans ce coin perdu qui semble irréel, onirique et peut-être cauchemardesque. La route de Salina existe dans un espace à part, où le temps qui nous a privé d'un fils ou d'un frère est lui-même remis en cause. Un espace où l'on peut prendre ses rêves pour des réalités, même s'il y a toujours un prix à payer.