J’ai toujours eu une curiosité pour les films américains qui connaissent là-bas un succès phénoménal et que personne ou presque ne connait ici. Par exemple, le père O’Malley, outre-atlantique, c’est presque devenu un mythe, Bing Crosby qui y gagna l’Oscar pour cet opus sera même nommé pour le même rôle une seconde fois, dans les Cloches de Ste Marie qui pousse encore plus loin le phénomène, connaissant un succès bien supérieur au plus chanceux des Seigneurs des Anneaux, pour vous donner une idée…
C’est amusant d’ailleurs le succès fou de ces comédies musicales à base de bondieuserie catholique, la Mélodie du Bonheur n’est pas loin, même si, pour le reste on lorgne quand même plus facilement du côté de Capra…
Mais attention, McCarey, c’est un vrai gentil, pas l’ombre d’un cynisme ou d’une dureté, pas de vilains méchants non plus, et le bougre a même l’air de croire à ce qu’il raconte, c’est presque touchant…
Le père O’Malley, donc, c’est un peu le Don Bosco ricain avec des faux airs de l’homme sans nom… Ici, il débarque à New-York dans une paroisse irlandaise tenue par un vieil officiant afin de mettre un peu d’ordre et de relancer la machine. Bien entendu, le vieux bougon regarde d’un drôle d’œil ce type aux méthodes un peu trop modernes qui vient faire sa Mary Poppins sans parapluie avec la dégaine maladroite et le canotier de Maurice Chevalier...
C’est fou comme ces dégénérés de parpaillots bichent les curés quand même, probablement parce qu’ils représentent tout le contraire de leur mode de vie… Ici, faut dire qu’on est à deux doigts de s’enfoncer dans le culcul-béni, plus c’est gros, plus ça passe, mais y’a pas à dire, quand ça passe, ça fait un bien fou…
C’est dommage que la seule mauvaise chanson du film soit celle qu’on va se taper deux fois, on se demande aussi si le personnage de Frank McHugh était réellement indispensable, mais peu importe, ça fonctionne à merveille, on se surprend à s’intéresser aux petits détails de la vie d’un cureton new-yorkais, les décors sont d’ailleurs réellement merveilleux et Bing Crosby fait le job avec sa nonchalance sous-Mitchumesque habituelle.
En face de lui, Barry Fitzgerald tient le rôle de sa vie, il sera d’ailleurs, phénomène unique dans l’histoire de cette récompense, nommé pour le rôle à la fois pour l’oscar du meilleur acteur et du meilleur second rôle, ce qui lui permettra de ne pas repartir les mains vides quand Bing décrochera la timbale… Il faut reconnaitre qu’il est assez extraordinaire dans ces passages où il est lui, le vieillard chenu, traité comme un gamin fugueur et son beau visage ridé qui semble sorti tout droit d’un Disney se prête à merveille à un tel personnage. L’abbé prévaut, mais l’humain résiste.
La bonne surprise, finalement, c’est qu’on se retrouve plus proche d’un Anges aux figures sales que d’un film paroissial édifiant, et puis, ça respire tellement l’honnêteté qu’on ne sent plus trop l’encens qui se cache derrière, un vrai petit miracle en soi…