La Rumeur, ou comment évoquer l'homosexualité au début des années 60 face au code Hays
Dans un pensionnat de jeune fille, la petite Mary se fait punir pour la énième fois. Très colère, elle décide de se venger des deux jeunes femmes qui dirigent l'école. Elles les accusent d'entretenir une relation intime. La rumeur se répand, toutes les jeunes filles sont retirées de l'établissement, les deux femmes, Karen (Audrey Hepburn) et Martha (Shirley MacLaine), sont humiliées et détruites.
L'homosexualité est traité comme une tare, quelque chose de non guérissable, mais de manière toujours implicite. Cette relation "malsaine", ne survit qu'à travers les dires d'une enfant hystérique, insolente au comportement provocateur et ignoble, qui surjoue comme pas possible. C'est à se demander si le vrai mal du film ne résiderait pas dans la fillette même.
Les deux actrices ont un jeu juste. Shirley est habitée par son rôle de lesbienne refoulée et non assumée. Elle présente une femme toujours droite et honnête en public, mais également susceptible et vulnérable lorsqu'elle se retrouve face au personnage séduisant et féminin d'Audrey. Cette dernière incarne une femme respectable, désireuse d'évoluer dans la société, et qui considère l'amour entre deux femmes comme quelque chose d'anormal. Il y a cette scène terrible ou les deux femmes s'entretiennent seules après la faillite de leur école: Karen tente désespérément de convaincre son amie que le moindre sentiment qu'elle pourrait ressentir est faux et serait apparu à cause de cette rumeur, et lui aurait embrouillé ses idées...
Le film fait le pari de traiter un sujet tabou sans choquer ou être censuré. Il peint les mentalités conservatrices de l'époque avec brio. C'est un film délicat et politiquement correct. J'ai lu que Wyler (le réalisateur) avait supprimé au montage des scènes montrant l'amour que Martha a pour Karen. C'est dommage, cela aurait rendu le film plus osé, et donc plus intéressant par rapport à la censure.