Ce documentaire aborde la Russie à travers le regard de photographes, dont le travail et la personnalité sont aussi divers que leur pays. Pour Alexander Abaturov, choisir les plus intéressants a sans doute été difficile.
Des vues aériennes montrent un paysage de forêts et de rochers, où l'homme n'a guère sa place. Pourtant une fourmi humaine chemine au ras du sol, escalade les rochers. Que fait-elle là ? Qui est-elle ? Tel un microbe noyé au sein d'un pays continent, l'individu n'est rien comparé à la puissance de l'Etat.
Le réalisateur donne la parole à chaque photographe, qui présente quelques-unes de ses photos, raconte son itinéraire, explique ses motivations et son travail. De l'un à l'autre, nous passons de la Sibérie enneigée au désert chaud, des montagnes à la steppe océanique, de villages anonymes au cœur de métropoles.
Depuis des décennies, une militante poursuit avec ténacité et courage sa résistance politique. Ses photos s'accumulent dans de grandes boîtes, témoignent des abus d'un régime volontiers liberticide (répression de manifestations).
Une autre photographe parle du lieu d'origine de sa famille, un village perdu aux fins fonds de l'espace, ignoré de tous. Elle le photographie, ainsi que ses habitants, pour les tirer du néant, leur donner naissance, leur construire une identité. Autre forme de résistance.
Deux hommes construisent avec difficulté des croix de bois géantes dans l'immense vide de la plaine. Pourquoi faire ? Ils y mettent le feu et photographient leurs bûchers… Cette débauche d'énergie gratuite est fascinante.
Je vous invite à peler les peaux délicates de l'oignon russe, comme les pellicules sensibles d'une réalité foisonnante. La démarche de certains photographes vous surprendra.