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Le vieil homme et le poulpe...
1000 recettes pour cuire un poulpe...
Ta mère en poulpe...
Poulpo, or the 120 days of sodom..
Némo en poulpopolie..

Et j'en ai des dizaines, mais fallait bien choisir un titre.

Impossible de décrire ce témoignage sans se livrer émotionnellement.

Je regarde mon chat de l'enfer s'adonner à ses conneries habituelles, grimper sur la table, faire tomber mon briquet avec un doigt d'honneur assumé, râler pour sa pâtée, péter un câble et faire 20 aller-retour dans 30m²...
S'allonger à mes côtés sur le canap' l'air de rien, j'ai rien demandé, il se pose là. Il a l'air bien.

Le poulpe aussi a l'air bien.
Le type par contre, il est pas bien. Du genre dépressif fuck la vie, keskonfout sur terre...

Ce mec laisse deux visions contradictoires, entre un égo dégueulasse et une sincérité sincère. Va choisir.
Bon z'avez vu la note hein. J'ai mon idée du bazar.
Mais quand même, on sent le type bien propre qui se pose des questions existentielles sur l'existence des pisteurs africains, avec une envie non dissimulée. Tu sens le complexe du mec éduqué qui regrette de pas avoir à boire dans un puits et bouffer de l'antilope avariée. J'voudrais bien l'y voir tiens.
Mais en fait, faut leur foutre la paix aux pisteurs africains, ils sont dans leur vie, et si on peut les épargner de notre culture du fric bien dégueu, ils continuerons à être pisteurs. Et puis ils aiment les animaux sauvages, ils font du bien, ils préservent et contribuent à la conservation d'une diversité qui se raréfie.
Et il est d'accord avec ça. Autant la jalousie de ces types qui font corps avec leur milieu le dévore, autant il comprend et accepte, et avec dégoût s'éloigne de l'industrie documentaliste en Afrique...

Et il rencontre Martine le poulpe. Parce que quitte à être sincère, autant aller nager tous les jours au même endroit, devant chez lui. Au moins là il fera corps avec son milieu à lui.

Et c'est un témoignage.

Et c'est putain d'émouvant. Parce qu'en fait, autant faut un sacré égo pour réaliser ce docu qui parle de ta relation intime et émotionnelle avec un poulpe, autant faut un bon gros paquet pour balayer les préjugés et assumer une sincérité crevante, qui perce l'écran et se transforme en histoire d'amour romancée de tentative de meurtre, avec du sang et du sexe.

C'est une histoire d'amour, racontée par un dépressif guéri. C'est l'histoire de Martine le poulpe et de Jean-Claude l'humain, qui se rencontrent par hasard au détour d'une soirée costumée, de qui portera les meilleurs coquillages (spoiler alert, Martine gagne).

On suit nos deux amoureux, au long des plongées de Jean-Claude, obsédé par Martine qui doit en avoir plein le dos de se faire stalker, mais qui accepte parce que c'est pas tous les jours qu'on rencontre un humain qui te transforme pas en tentacule au barbecue.

On va dire que Martine a du bol de pas être née au Portugal.

En tout cas, comme tous les poulpes femelles harcelées par un bel homme, elle cède et donne sa confiance absolue. Elle accepte donc de se faire filmer à nu dans son quotidien de poulpe.
J'imagine que si Jean-Claude eut été vilain, il aurait juste un procès au cul. Mais bon. C'est tout le temps pareil. Le harcèlement s'adresse qu'aux laids.

Alors elle se donne, à demi-nue, virevoltant dans sa forêt de kelp, jouant avec les poissons locaux, les titillant de ses tentacules agiles. D'ailleurs vous saviez, vous, qu'un poulpe peut articuler chacun de ses 2000 tentacules indépendamment ? Même dans les Hentai ils savent pas ça. Et pourtant j'en ai regardé.

Et on voit Martine évoluer, risquer sa vie, jouer, chasser... On la voit dans son intimité la plus totale.

Et c'est crevant de sincérité. Et l'égo du type un peu péteux du début qui culpabilise de pas être pote avec les pisteurs Africains s'étiole d'emblée.
Il est en voix off, monotone et emplie d'émotions, son visage discrètement distillé entre deux séquences poulpiesques, d'un engagement total.

C'est là qu'on prend la mesure, que ce type est totalement sincère dans sa démarche, rien à foutre de rien. Il a vécu son délire avec Martine, et il livre son témoignage, avec les émotions idoines.

Et ça fait la différence entre un docu animalier et un témoignage à fleur de peau.
Parce qu'on oublie le témoignage assez rapidement, et on se prend de passion pour Martine, qui se découvre peu à peu.
On se rend compte que non seulement ce type est sincère, mais en plus il dit la vérité. Martine vient le voir, joue de ses tentacules entre ses doigts.

On voit Martine manquer de mourir, avec un Jean-Claude désemparé qui laisse la vie faire. Il crève d'envie d'intervenir, il n’interviendra pas.
On sent un respect pour la vie telle qu'elle doit être, on sent un humain déchiré par son amour pour un poulpe, qui décide de laisser faire malgré ses sentiments.

Et quand, au milieu d'une forêt de kelp, adoucie par une musique jouant sur les vagues, Martine vient épouser le torse de Jean-Claude, dans une étreinte passionnée, romantique, d'une douceur inconnue chez nous les humains, alors on finit d'être convaincu.

Les poulpes sont des chats.
Les poulpes sont des humain.

Je veux rencontrer un poulpe.

Martine, I'll miss U.
All my love.

rtlpn
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le 23 oct. 2020

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