Nous avons tendance assez facilement et de façon réductrice à résumer la production cinématographique indienne au seul Bollywood. Quelques cinéastes, par la grâce de distributeurs français avisés, nous prouvent ces dernières années que sa diversité n'est pas quantité négligeable. Et le dernier exemple en date tient plus du pamphlet social que de la sucrerie enchanteresse: "La Saison des femmes" s’intéresse de très près à ce qui gangrène de plus en plus fréquemment le pays dans son ensemble, la violence et les traditions paternalistes qui obscurcissent honteusement le quotidien féminin.


Il ressort de ce film une vision cruellement pessimiste d'une banalité de la soumission dont les femmes elles-même perpétuent les carcans dans leur cercle familial. Faute d'une éducation émancipatrice et d'une radicalité prégnante en recrudescence depuis l'arrivée au pouvoir de l'ultra-conservateur Narendra Modi, la singularité spirituelle de l'hindouisme ne possède plus la force nécessaire pour sanctuariser la parité et l'égalité. Mariées de force dès le plus jeune age, dans un acte sacrificiel entièrement dévoué à la sérénité clanique, le couple en tant qu'union de l'amour consenti est entravé sur l'autel du seul pouvoir décisionnel de l'homme. Le scénario tente une chaleureuse réappropriation du corps maternel comme objet de lutte, non pas tant féministe, mais plutôt comme un fragile appel à l'équilibre naturel d'un espace respectueux.


Ce faisant, il n'évite pas certaines maladresses d'écriture et entraîne ses quatre vaillantes soldates dans certaines situations plus ou moins ubuesques et convenues. Et pour qui n'est pas familier de la culture populaire du pays, le running gag sur Sharukhan Khan ne va pas forcément de soi. Ceux qui en sont plus accoutumés trouveront peut-être le rituel quelque peu démonstratif. On saluera néanmoins l'esprit toujours combatif de sa cinéaste qui n'oublie jamais que les amazones qu'elle suit avec un entrain communicatif sont l'avenir d'une société à la recherche d'un second souffle. On lui sera également gré de ne pas éluder la noirceur de son propos et d'illustrer une réalité amère sous sa forme la plus réaliste possible. Enfin la cinéaste n'entend pas plomber son récit qui se suffit amplement à lui-même et nous propose habillement une palette d'émotions toute en contradiction qui fait le charme certain de la pellicule. Des imperfections qui ne suffisent donc pas pour s'éviter une séance plus qu'utile. Pour garder en tete que la maltraitance domestique est plus que jamais l'affaire de tous, partout dans le monde.

Créée

le 30 avr. 2016

Critique lue 695 fois

5 j'aime

1 commentaire

Critique lue 695 fois

5
1

D'autres avis sur La Saison des femmes

La Saison des femmes
PhyleasFogg
8

Avant de vouloir devenir un homme, apprend à être humain

La Saison des femmes sonne comme un printemps où parmi la profusion de fleurs, de moments hauts en couleurs flirtant avec le kitsch de la demi mondaine , se niche un pamphlet vigoureux, un plaidoyer...

le 15 mai 2016

12 j'aime

La Saison des femmes
easy2fly
8

Les femmes sont l'avenir de l'humanité

Après Umrika en 2015, on a La saison des femmes dans nos salles. Le cinéma indien a beau être le plus prolifique du monde, ses productions sortent rarement en France. Bollywood a pourtant de nombreux...

le 11 mai 2016

10 j'aime

La Saison des femmes
Philippe_Lebraud
8

La femme est l'avenir de l'homme

De nos jours en Inde, loin de la ville... Cette indication est importante, cette histoire se passe au XXIème siècle, pas au XIXème.. Si les grandes villes indiennes permettent la modernité, aussi...

le 4 mai 2016

9 j'aime

Du même critique

Benedetta
Sabri_Collignon
4

Saint Paul miséricordieux

Verhoeven se voudrait insolent et grivois, il n'est au mieux que pathétique et périmé. Son mysticisme atteint des sommets de kitch dans une parabole pécheresse qui manque clairement de chaire (un...

le 13 juil. 2021

36 j'aime

Pas son genre
Sabri_Collignon
7

La Tristesse vient de la Solitude du Coeur!

Lucas Belvaux,réalisateur belge chevronné et engagé,est connu pour sa dénonciation farouche des inégalités sociales et sa propension à contester l'ordre établi.Ses chroniques dépeignent souvent des...

le 4 mai 2014

31 j'aime

14

Les Délices de Tokyo
Sabri_Collignon
8

Le Triomphe de la Modestie

Naomie Kawase est cette cinéaste japonaise déroutante qui déjoue volontairement depuis ses débuts la grammaire conventionnelle du 7ème art. Elle possède cet incroyable don d'injecter une matière...

le 11 août 2015

29 j'aime

5