Après Umrika en 2015, on a La saison des femmes dans nos salles. Le cinéma indien a beau être le plus prolifique du monde, ses productions sortent rarement en France. Bollywood a pourtant de nombreux adeptes dans nos contrées, appréciant la vitalité de ses œuvres, mais ce sont celles plus dramatiques qui se retrouvent dans nos salles. On ne va pas s'en plaindre, tant elles sont réussies et nous permettent de découvrir un autre univers, même s'il est aussi tendre que violent.


De nos jours dans un village indien, on va découvrir la vie de quatre femmes. Rani (Tannishtha Chatterjee) est veuve et va marier son fils Gulab (Riddhi Sen) à Janaki (Lehar Khan). Son amie Lajjo (Radhika Apte) est stérile et doit affronter chaque soir la violence de son mari. Bijli (Surveen Chawla) est une prostituée voyageant à travers le pays. Elles vont s'épauler et rêver ensemble d'une vie meilleure.


Un film réalisé par une femme, mettant en scène des femmes et qui s'adresse à tout le monde. A travers son film, la réalisatrice Leena Yadav raconte la vie de femmes qu'elle a rencontré pour mieux comprendre leurs situations. Chacune de ses femmes a son propre vécu, mais elles ont en commun de vivre sous la coupe des hommes. On va faire la connaissance d'une veuve, une femme stérile, une prostituée et une adolescente.


Le village est régit par les "anciens", c'est une communauté patriarcale où la technologie est encore absente. Rani a tout de même un portable offert par son fils Gulab, dont on va souvent se demander comment elle fait pour le recharger. La présence de ce portable ne modifie en rien le sentiment d'oppression dont elle est victime, comme toutes les autres femmes du village. Si le film semble léger au premier abord, on va être pris au dépourvu devant les révélations d'une jeune femme fuyant son époux et voulant rester dans sa famille. Elle est renvoyé aussitôt pour ne pas mettre la honte sur cette famille, dont même la mère semble impuissante face à la détresse de sa fille. Les traditions ont la vie dure et il va falloir du temps avant qu'elles puissent choisir leurs destinées. La violence machiste est éprouvante, les hommes ont tout les pouvoirs, même celui de mettre la faute sur elles, alors qu'ils sont responsables. La douleur n'est pas seulement physique, elle se révèle aussi psychologique. Elles sont comme dans une prison et rêvent d'un ailleurs où leurs vies seront meilleures.


On va passer par diverses émotions. On va sourire lors des discussions entre femmes, où les langues se délient. On va souffrir face aux rapports violents qu'infligent les hommes aux femmes. On va être ému devant la tendre amitié qui unit ses femmes. Elles sont en manque d'affection et leurs échanges comblent un peu ce sentiment, puis comme le dira Rani à Lajjo "dommage que tu ne sois pas un homme". Elles s'aiment, mais ne peuvent se permettre d'avoir une relation dans ce village où l'intimité n'existe pas. Pourtant, elles sont aussi responsables en perpétuant les traditions ancestrales. Rani marie son fils Gulab à Janaki, contre son gré. Elle reproduit le même schéma qu'elle a subit, elle a été conditionné pour cela. La présence de Bijli va bousculer ses convictions, tout comme cet inconnu qui appelle sur son portable. La vie dissolue de Bijli rend sa présence indésirable aux yeux des hommes, mais pas quand la nuit tombe où ils lui rendent visite pour s'offrir ses services. L'hypocrisie qui règne dans ce village où l'alcool est consommé en toute impunité, se retrouve dans toutes les sociétés où l'homme s'est donné tout les droits et surtout celui d'asservir la femme. Le plus effrayant, c'est que cela ne semble pas être prêt de s'achever avec la jeune génération se révélant plus intransigeante que les "anciens". Gulab se montre aussi violent que son défunt père et rejette tout changement avec ses amis.


Malgré la dureté du propos, le rire de ces femmes apporte de la lumière dans ce village. On apprécie aussi la réalisation de Leena Yadav, même si elle est moins à l'aise dès que l'action s'emballe. Puis, elle évite le pathos et met beaucoup de couleurs dans son film. La danse et les chants seront aussi de la partie, mais sans que cela soit excessif. Elle n'oublie pas de parler de ses héroïnes, même si parfois elle fait preuve de raccourcis e clichés. Elles sont magnifiques et on a envie de les voir fuir ce lieu, afin d'assouvir leurs rêves. On ne peut que s'attacher à ces femmes superbement interprétées par Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte et Surveen Chawla, sans oublier la jeune adolescente Lehar Khan.


Un film drôle, dur et tendre. On va sourire, être tendu, serrer le poing avant de se détendre, puis de recommencer.... C'est une foule de sentiments que nous procure cette oeuvre essentielle, comme le fût Mustang et Much Loved l'année dernière. A voir et à revoir.

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le 11 mai 2016

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Laurent Doe

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