"Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images."
"L'aliénation du spectateur au profit de l'objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s'exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L'extériorité du spectacle par rapport à l'homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représentent."
- Guy Debord
L'histoire d'un monde, le nôtre (ou pas loin), où les choses sont vues, non plus directement, mais par l'intermédiaire d'images qui s'y substituent.
Ainsi, les chansons, bien loin d'être en accord avec ce qui se passe en "vrai", sont les caches-misères de l'aliénation des personnages et de leur incapacité à sortir d'eux-mêmes. Le monde des chansons, joyeux et coloré, permet aux personnages d'exprimer sans limites leurs désirs, mais de ceux-ci rien ne transparait à l'extérieur.
Dans un tel monde, la matière ne peut surgir que comme obscénité; par exemple. dans la scène de bouffage de crabes (qui n'est justement montrée qu'en ombres). Ou encore ce moment très impressionant, évoquant vaguement Mizoguchi: lorsque la femme tire l'actrice japonaise inconsciente hors de l'ascenseur, et tout le poids de cette dernière se fait sentir comme une des seules résistances véritables du monde physique.
(Autre truc intéressant: l'homme n'arrive à jouir que par l'oeil (qu'il regarde l'actrice japonaise se masturber ou des revues porno).)
Ming-Liang cherche à tirer le spectateur hors du monde abstrait en enlevant toute possibilité d'identification facile aux personnages.
Les plans qu'ils fait sont absolument non-spectaculaires (trop longs, trop statiques, trop en intériorité). En ce sens, il se place à la suite des Straubs, de Rivette, d'Akerman, etc.