Deux ans après la 317e section, Pierre Schoendoerffer, récidive, mais différemment. Dans le film, il avait tenté de décrire la guerre moderne à l’échelle d’une poignée d’hommes, sans pathos ni artifices, centrant son scénario sur l’opposition entre le jeune officier et le vieil adjudant. Dans le documentaire, il se propose de décrire la vie quotidienne d’une poignée de GI de la 1ère division de cavalerie aéromobile durant 6 semaines au Viêt Nam. Refusant de scénariser son reportage, il prend le risque de manquer de matière. Il présente la section, une trentaine de très jeunes soldats, blancs et noirs confondus. Leur chef, ancien élève de Westpoint est black. Rendu à la vie civile, il poursuivra une très belle carrière de dirigeant de multinationale.


Sobrement, Schoendoerffer annonce la couleur : celui-ci sera bientôt tué, quatre autres seront blessés. Il s’interdit toute contextualisation, toute présentation des enjeux de la bataille. Il bannit les grandes phrases des politiques et des généraux. Nous resterons au niveau du soldat, nous ne croiseront fugacement qu’un capitaine. Nous les suivons dans leur quotidien, le courrier, la messe, la douche, les repas. L’ancien soldat parvient à faire oublier sa caméra. Pas d’interview, mais quelques phrases volées, des regards, des temps de silence et de repos. Il filme l’attente, l’ennui, les jeux de cartes et les revues libertines. Un homme chante, un second écrit. Puis, vient le départ au combat. Pas de front, mais un jeu mortel de cache-cache dans la jungle. Nous sommes fascinés par l’omniprésence des Huey. Le GI moderne ne se déplace qu’en hélicoptère. Il est déposé, ravitaillé, appuyé ou évacué par les airs. Tout vole, tout se transporte, vive l’Amérique. Schoenderffer commente froidement, sans lyrisme ni passion. Omniscient, il explique et prévient : « L’hélicoptère va heurter un palmier et s’écraser ». Des hommes tirent, beaucoup. Des roquettes et obus frappent. L’ennemi est invisible, nous ne verrons que quelques corps et des prisonniers.


Épuisés, nous rejoignons, le temps d’une permission, Saïgon en avion. Des filles, des bars, des achats... et un retour anticipé vers les copains, les poches vides. Un séjour, sans blessure : c’est douze mois.

Créée

le 22 juin 2019

Critique lue 474 fois

14 j'aime

7 commentaires

Step de Boisse

Écrit par

Critique lue 474 fois

14
7

D'autres avis sur La Section Anderson

La Section Anderson
batman1985
10

Superbe document sur la vie des soldats en temps de guerre

Pierre Schoendoerffer est, pour ceux qui ne le connaissent pas, un ancien reporter au sein de l'armée française. Il fut capturé à Diên Biên Phu avant d'être relâché après la fin de la guerre. Mais le...

le 25 nov. 2013

7 j'aime

3

Du même critique

Gran Torino
SBoisse
10

Ma vie avec Clint

Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...

le 14 oct. 2016

127 j'aime

31

Mon voisin Totoro
SBoisse
10

Ame d’enfant et gros câlins

Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...

le 20 nov. 2017

123 j'aime

12