Locataire, Rosemary’s baby, l’exorciste, l’au-delà … on pense à tout un tas de films devant La sentinelle des maudits et pourtant le film de Winner peut se targuer de posséder une forte personnalité. Sorte de mélange improbable entre la rigidité d’un Polanski et la folie formelle d’un Fulci, la sentinelle des maudits est une série B horrifique de haute volée. J’irai même jusqu’à dire qu’elle devient référence quand elle s’atèle à mettre le fantastique en images, à donner vie à cette horreur qu’il est pourtant de bon ton de caractériser d’inimaginable.


La force de Winner ici est une absence totale de complexe, ainsi qu’un savoir-faire évident pour construire des moments de pure tension. Il n’est certes pas question d’arracher le cuir de l’accoudoir au moment où la toute frêle Cristina Rainesse se décide à aller affronter l’inconnu qui racle le parquet à l’étage, avec pour seul moyen de défense, un couteau de cuisine porté par les cigarettes russes qui lui servent de bras, mais la tension est à son comble tout de même : la façon qu’a Winner de filmer l’inexplicable, de donner vie à l’irréel force le respect. Rarement une simple silhouette plongée dans le noir n’aura eu autant de puissance à l’écran.


Cette facilité déconcertante qu’il a à dépeindre le fantastique, un élément généralement étouffé sous un réel pragmatique, est déconcertante : de nulle part surgissent des scènes d’un gore burlesque particulièrement marquantes parce qu’elles sont utiles au récit. Winner joue de cette imprévisibilité, laissant son spectateur dans l’expectative d’une séance en roue libre, potentiellement dépourvue de cohérence, pour ensuite lui prouver tout le contraire. Chaque scène a sa place, tout étalage de grosses Bertas dénudées construit une intrigue relativement originale.


Dommage qu’il ne manie pas le crayon comme il trouve l’inspiration en mode système D pour filmer ses séquences phares. Du fort potentiel de son histoire il n’extrait que la substance première sans essayer de la transcender pour construire quelque chose de plus ambitieux. Au fur et à mesure qu’il finit de distribuer les cartes, on comprend assez vite qu’il lui importe finalement peu de s’extirper du pur exercice de style : générer de la tension, composer des ambiances, imaginer l’enfer, telles sont ses intentions.


Peut-on lui en tenir rigueur ? Rien n'est moins sur. Personnellement, je déguste sans faire la fine bouche. Il est suffisamment rare de découvrir sous la poussière un film maîtrisé qui passe aussi bien le cap des années en matière d’horreur. Les premières apparitions du malin à l’écran sont géniales et la manière avec laquelle Winner désincarne Cristina Rainesse, icône de mode à la masse graisseuse négative, est saisissante. De quoi invoquer l'indulgence vis à vis de la note finale, qui manque, il est vrai, d’une pointe de panache.

oso
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste L'ours, Homo Video, en 2016

Créée

le 26 oct. 2016

Critique lue 796 fois

15 j'aime

1 commentaire

oso

Écrit par

Critique lue 796 fois

15
1

D'autres avis sur La Sentinelle des maudits

La Sentinelle des maudits
oso
8

Ah là là Bertha peste

Locataire, Rosemary’s baby, l’exorciste, l’au-delà … on pense à tout un tas de films devant La sentinelle des maudits et pourtant le film de Winner peut se targuer de posséder une forte personnalité...

Par

le 26 oct. 2016

15 j'aime

1

La Sentinelle des maudits
Play-It-Again-Seb
7

Diabolique Amérique

Dans le sillage des films américains marqués par le thème du satanisme dans les années 1970, La Sentinelle des maudits n’est assurément pas le plus connu. Et pourtant, il reflète parfaitement le...

Par

le 12 nov. 2023

8 j'aime

6

La Sentinelle des maudits
etiosoko
6

La lignée des Gardiens

Ava Gardner, Burgess Meredith, Eli Wallach, et les encore tout minets Jeff Goldblum et Christopher Walken, réunis avec bien d’autres dans ce même film de 1976 (au générique, et non 77 comme il y a...

le 4 juin 2018

7 j'aime

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8