Dans le sillage des films américains marqués par le thème du satanisme dans les années 1970, La Sentinelle des maudits n’est assurément pas le plus connu. Et pourtant, il reflète parfaitement le cinéma de Michael Winner et son regard acide porté sur les États-Unis. Une Amérique désenchantée, en pleine crise des valeurs, où la décadence de la morale puritaine face à une société toujours davantage accès sur le paraître souligne son hypocrisie. Après avoir interrogé la loi, ce concept qui permet aux Américains de diviser la société en deux groupes bien distincts ainsi qu’ils l’ont longtemps illustré dans des westerns et des blockbusters où le Bien et le Mal ont une frontière clairement définie, Michael Winner interroge la religion en même temps que la morale avec son habituel savoir-faire. Autour d’un sujet plus subtil qu’il n’y paraît, le réalisateur n’hésite pas à aller très loin dans sa façon d’exprimer son dégoût face à cette sombre hypocrisie déjà à l’honneur dans Un Justicier dans la ville où le personnage de Charles Bronson était le héros que les Américains n’osaient pas avouer avoir pour nettoyer les rues.
La figure ici confrontée aux horreurs du monde et appelée à garder les portes du purgatoire est, détail amusant, un top model qui cherche à s’émanciper du modèle social traditionnel. Elle porte en elle le traumatisme d’un père décadent dont elle a été témoin, au point d’avoir cherché à se tailler les veines. Entourée d’un compagnon difficile à cerner et d’amis terriblement superficiels, elle s’engage dans une démarche d’émancipation qui va lui être fatale. Autant dire que le réalisateur a des choses à raconter pour se farcir la société américaine. Il le fait avec efficacité, aidé par un casting remarquable entre anciennes gloires (ce qui a aussi son sens dans l’histoire) et jeunes premiers (Christopher Walken, Jeff Goldblum et Tom Berenger même si on les voit très peu). Avec ce cortège de figures de cinéma, le film trimballe son impressionnant lot de personnages comme un convoi maudit qui se forme et se déforme. Entre solitude et foule (aimable ou démoniaque), le personnage central lutte contre ses propres démons.
Michael Winner ne lésine pas sur les effets chocs pour bousculer, comme il en a l’habitude, ses spectateurs. Le final en forme de Freaks moderne, les apparitions de fantômes comme autant de scènes de pure épouvante et la vision désenchantée du sexe créent un climat oppressant et délétère. Le résultat manque, certes, de subtilité mais le film, dans son genre, est plutôt une réussite qui n’a pas connu le succès escompté. Dommage car il ne s’agissait pas d’une entreprise qui se contentait de surfer sur une vague de succès.