Plutôt riche et intelligent, mais bourré de défauts

J'ai eu le privilège de pouvoir assister à une séance de ce film un peu maudit par le temps. En effet, ce n'est pas la version complète de La servante qui a été restaurée, une bobine manque et une autre souffre de problèmes de pellicule puisqu'il a fallu effacer des sous-titres anglais incrustés dans l'image et qui prenaient facilement la moitié de l'écran. Bref pour en revenir au film, j'en avais peu entendu parler jusque là. Après avoir découvert la BA au ciné je me suis renseigné dessus et j'ai vu que des cinéastes comme Martin Scorsese ou encore une bonne partie de la génération actuelle de réalisateurs coréens admirent ce film et considèrent Ki-young Kim comme un modèle et véritable fer de lance du cinéma sud-coréen. Bon, alléchant tout ça, surtout que la BA laissait croire à un film étonnamment très sulfureux, du moins pour l'époque.


Il me paraît d'abord important de préciser que la mise en scène du film est de très bonne facture. Entre plans-séquence minutieux, magnifiques contre-plongées et de beaux fondus enchaînés, on peut dire qu'Hanyo fait preuve d'une belle qualité visuelle même si par moments le poids des années se fait trop ressentir. Cependant, l'agréable photographie peut nous faire pardonner ce point. Esthétiquement l'oeuvre a fait preuve d'un grand soin. Après je trouve que le film contient malheureusement trop de défauts. Le scénario du film est plutôt malin dans son déroulement, assez perfide, oppressant. Il est vraiment bien ficelé mais desservi par un rythme un peu mollasson qui instaure une tension inégale. Pourtant avec la relation entre la servante et le maître de maison la tension sexuelle et vicieuse est bien présente. Cependant elle manque cruellement d'intensité pour être réellement marquante.


Et le côté un peu rébarbatif du scénario n'arrange pas le tout. Néanmoins le plus gros défaut du film c'est l'utilisation musicale. Ki-young Kim va te claquer de temps en temps une musique complètement assourdissante qui ne sert absolument à rien. Je veux dire, si encore ça soulignait quelque chose (même si je ne suis pas fan du procédé), ça aurait pu le faire. Mais ce n'est même pas justifié, la musique bruyante arrive brusquement au beau milieu d'une séquence où il ne se passe pas grand chose, et c'est vraiment pénible. Heureusement que ces passages musicaux restent assez isolés, sinon j'aurais pu prendre rendez-vous avec mon oto-rhino pour cause de problèmes auditifs. Au niveau de l'interprétation je n'ai pas été conquis. Des jeux un peu trop théâtraux, mécaniques et maniérés. Sans que ce soit mauvais, je n'ai jamais été bouleversé par ces comédiens.


Après j'ai apprécié La servante pour bien des raisons. Mise en scène de qualité, scénario bien construit et assez savoureux, mais autant trop de défauts viennent gâcher une bonne impression d'ensemble, et ceux-ci ne sont pas uniquement liés à l'âge du film. J'ai quand même beaucoup aimé cette construction autour de l'escalier, lieu de la maison que nous verrons beaucoup et qui a une forte symbolique. Ces plans où la servante qui petit à petit prend le contrôle et regarde le reste de la famille depuis le haut de l'escalier donne une dimension socio-politique au film. La classe ouvrière ou du moins le "petit" qui prend le dessus sur la petite bourgeoisie. La toute fin me laisse par contre très interrogateur et me donne un gros doute concernant le message que veut nous faire passer Ki-young Kim. En fin de compte, La servante ne serait-elle que le reflet d'une illusion et d'une utopie?


Un film intelligent dans son déroulement et qui explore ses thématiques en profondeur. C'est également une oeuvre assez moderne finalement car plutôt féministe dans l'âme, ce qui est à souligner au vu du contexte de l'époque. Au fond il s'agit d'un vrai bon film pour ma part mais parasité par ses nombreux défauts. Une oeuvre à découvrir tout de même, ça vaut le coup d'oeil.

Moorhuhn
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le 30 sept. 2012

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