Tournée en partie à La Réunion, cette seconde adaptation par Truffaut d’un roman de William Irish (après La mariée était en noir avec Jeanne Moreau en 1968) commence comme un flamboyant film d’aventures exotiques, se poursuit comme un machiavélique thriller hitchcockien pour finir par se fondre dans un mélodrame volontairement excessif dont le noir romantisme déconcerta aussi bien la critique que le public. «Avec La Sirène, je compte bien montrer un nouveau tandem prestigieux et fort: Jean-Paul, aussi vivant et fragile qu'un héros stendhalien, et vous, la sirène blonde dont le chant aurait inspiré Giraudoux», écrivit Truffaut à Catherine Deneuve qui insista auprès de son prestigieux couple de comédiens pour que «la sexualité soit toujours présente, sous-jacente» dans ce «film à couple» qui décrit avec un douloureux intimisme une passion qui ne peut conduire qu’à la mort.
Deneuve en garce retorse à la libido versatile, Belmondo en version masculine d’une «jeune fille effarouchée qui attend tout de son mariage», le casting était pour le moins risqué et même si l’une et l’autre sont exceptionnels dans ces rôles à contre-emploi, le film connut un cinglant échec commercial. Diffusée sur Arte dans une splendide copie (enfin) restaurée, La Sirène est bien meilleur que le souvenir qu’on en avait gardé. D’une sensualité affirmée inédite chez Truffaut, ce film incompris est aussi une déclaration d’amour du réalisateur à son actrice, avec laquelle il a entamé durant le tournage une liaison tout aussi intense mais heureusement moins destructrice que celle qui entraîne ses deux personnages dans leur fuite éperdue.