Excessivement truffaldien dans sa description brûlante et tourmentée des sortilèges de l'amour, cette "Sirène du Mississipi" - mal-aimé du public comme des critiques - n'est pas un grand film (un peu trop long, et sans doute maladroit dans le traitement des rares aspects "policiers" restant du roman de William Irish). Il offre toutefois quelques grands moments d'extase troublante, comme les dialogues passionnés entre un Belmondo vulnérable et éperdu, et une Deneuve indécise. Pour lui, son seul vrai rôle d'amoureux naïf l'oblige à abandonner sa gouaille éternelle pour affronter la folie, tandis que pour elle, ce personnage de "voyou" déséquilibré, voire psychotique, est l'un de ses plus noirs : séductrice perverse derrière la pureté de ses traits, Deneuve - dont Truffaut célébrait la "capacité à jouer une chose tout en suggérant une autre" - est simplement sublime en jouisseuse sauvée in extremis par la naissance de ses sentiments.
[Critique écrite en 2004]