Je trouve ça très bien. J’aime l’idée d’un film sans parole, musical avec une voix off (celle du cinéaste). Néanmoins je ne retrouve rien ou presque de Rohmer là-dedans. Il ne devait pas aller très bien à cette époque car c’est un film de vrai désespéré. Ça n’appartient même pas au registre mélodramatique, c’est de l’horreur pure. Je n’ai pas lu la nouvelle de Tolstoï dont ce moyen métrage est l’adaptation mais Rohmer en a sorti quelque chose d’incroyablement dépressif, c’est plutôt troublant. Pour contrebalancer cette froideur, durant plusieurs séquences, on retrouve Rohmer et toute la clique des Cahiers, c’est amusant.
L’originalité est de démarrer le film par la fin sur les mots du mari (joué par Rohmer lui-même) qui sera aussi le narrateur et celui qui poignardera sa femme : « Non ce n’est pas la jalousie, c’est plus horrible que cela, c’est une haine à laquelle les événements n’ont pas eu de place. Je l’ai tuée parce que son existence était le démenti flagrant de tout ce que j’estimais, de tout ce qui comptait au monde pour moi. Elle était mon vibrant désaveu, la dénonciation constante de mon moindre désir, de ma plus anodine pensée. Pourquoi nous sommes nous connus ? Pourquoi n’avons-nous pas tout de suite détournés nos regards l’un de l’autre ? Dans cette cave où je la vis la première fois, j’eu bien le sentiment qu’elle me fut à jamais inaccessible ».
Le film est donc une sorte de long flashback où il raconte leur rencontre dans une cave de jazz, sa réussite professionnelle dans l’architecture, leur mariage un peu rapide, au détriment de leurs véritables sentiments, les disputes bientôt qui sont les seules choses qui les extirpent de l’ennui conjugal puis la rencontre avec cet ami critique qui sera le détonateur d’une fin tragique.