Deuxième chef-d’œuvre de l’œuvre de Fellini (dans l’ordre chronologique après Les Vitelloni), La Strada est sans doute son film le plus connu, celui qui lui a en tout cas attiré les faveurs du grand public et a révélé - à juste titre - Giulietta Masina comme un monstre sacré du cinéma mondial. Son personnage de Gelsomina fait partie des archétypes universels de l’humanité au même titre (par exemple) que Marguerite Gauthier ou Esmeralda. Le film expose l’errance de Zampano (magnifique Anthony Quinn qui trouve là le rôle de sa vie), hercule de foire, brute et ivrogne invétéré, qui a acheté pour 10 000 lires sa nouvelle compagne, sœur de la précédente morte à la tâche. Au-delà de l’exposition habituelle chez Fellini de divers types passionnants d’êtres humains sur la toile de fond inépuisable du spectacle ambulant, ce qui fait la richesse unique de ce film est la rédemption finale de Zampano, qui trouve littéralement son âme en l’autre, cet autre au départ insignifiant et sans valeur et dont il ne peut trouver l’amour que dans le manque. Une réflexion en passant : songeons au nombre de films que l’on tient pour des œuvres estimables et dont on oublie la fin aussitôt après les avoir vus. Songeons en contrepartie à toutes ces fins inoubliables chez Fellini pour souligner sa force et sa grandeur. Les sanglots déchirants et solitaires de Zampano sur la plage où il est rejeté après avoir appris la mort de Gelsomina font partie à tout jamais de la grande histoire du cinéma. N’oublions pas la mention spéciale habituelle à la musique de Nino Rota, petite musique de l’âme que l’on continue à porter en soi et à fredonner longtemps après le générique de fin de cet immortel chef-d’œuvre.