L'esthéticienne, l'acupuncteur et les corbeaux

Dans la famille Giallo, il y a évidemment le fameux grand-père Mario Bava et son fils prodigue Dario Argento, mais aussi quelques petits-fils, des cousins éloignés et autres frangins...
Et comme dans toutes les familles, il y a des génies et des sales types...

Paolo Cavara (Mondo Cane) se révèle, en un seul film - ce merveilleux La Tarentule au ventre noir - au niveau d'un digne fils du patriarche et d'un demi-frère d'Argento.

Le film sorti en 1972, jouit aujourd'hui encore d'une réputation non usurpée chez les fans de Gialli et il est même totalement culte dans les pays anglo-saxons.

Pour des raisons inexplicables, le film est pourtant totalement méconnu en France, sorti des cercles très fermés des cinéphages amateurs de "bisseries"...

Il est bien temps de lui rendre justice, car le Giallo est un genre très codé et qui n'a que rarement produit des chefs d'œuvre.
Un mystérieux tueur paralyse des jeunes femmes en leur plantant une aiguille d'acupuncture dans la nuque afin de les immobiliser et qu'elle soient parfaitement conscientes lorsqu'il les éventre... Un flic, un peu trop sensible et désabusé, mène l'enquête pendant que les fausses pistes se multiplient à cause d'une étrange affaire de chantage qui parasite l'enquête. Il n'en sortira pas indemne mais les jeunes et jolies femmes sont ici plus à plaindre...
Respectant à la lettre un des codes obligé du Giallo, le scénario est ici, comme toujours, tarabiscoté et tordu à souhait, usant du flou artistique et n'hésitant pas à perdre parfois le spectateur en route, mélangeant réalité et fantasme et multipliant les intrigues parallèles parfois en cul de sac, parfois pas... Mais la scénariste Lucile Laks (épaulée de l'immense Tonino Guerra, non crédité au générique) parvient à tenir le fil du récit en équilibriste et on doit saluer ce vrai travail d'écriture qui fait parfois défaut dans le genre.

Grâce à cette véritable qualité narrative, le film ne sombre jamais, ni dans l'ennui, ni dans le ridicule et tient vraiment le spectateur en haleine. Les personnages, notamment le flic, formidablement interprété par le très convaincant Giancarlo Giannini (dont la filmographie montre un constant intérêt pour le cinéma de genre autant que pour les plus grands auteurs), sont assez subtilement écrits et chacun apporte d'une manière ou d'une autre sa pierre à l'édifice...

Outre Giannini, le film jouit également d'un vrai casting féminin de luxe: on y trouve la présence d'immenses vedettes de l'époque et de quelques nouvelles têtes qui allaient vite devenir célèbres:
Claudine Auger, Stefania Sandrelli, Barbara Bach, Barbara Bouchet, Rossella Falk... Toutes sublimement belles à tuer et surtout excellentes comédiennes (un bémol sur Sandrelli, peu convaincante ici, face à Giannini....).

Mais le film gagne vraiment ses galons sur la mise en scène et la photographie, toutes deux très soignées et qui donne à voir un film très élégant du début à la fin et parfaitement passionnant à regarder.

On peut notamment constater une préoccupation de Paolo Cavaro à inscrire son récit au cœur de l'architecture, de l'art et du design de l'époque qui conditionne sa mise en scène d'une manière très convaincante.

De ce point de vue, l'influence de Bava est évidemment très marquée, comme elle l'est dans le cinéma d'Argento, mais La Tarentule au ventre noir parvient aisément à se classer parmi les meilleurs gialli de l'histoire du genre, dans la lignée de La Baie sanglante ou de Une hache pour la lune de miel de Bava et au coté des grands films d'Argento tels que L'oiseau au plumage de cristal ou Ténèbres.

C'est d'ailleurs amusant de constater comment ces deux films d'Argento et le film de Cavarro se répondent: on sent évidemment l'influence de L'Oiseau au plumage de cristal dans plusieurs scènes de La tarentule... Et parallèlement, l'influence de La Tarentule sur Ténèbres est absolument criante.


Le film montre un vrai talent dans les scènes de meurtres (minimum syndical pour un giallo) mais aussi dans les scènes d'actions et de poursuites, brillamment exécutées !


Ajoutez à cela l'extraordinaire bande originale de Ennio Morricone et vous obtenez un vrai bijou de genre qui sera sans doute très apprécié par tous les amateurs !
Foxart
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le 8 août 2014

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Foxart

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