A l'heure où sont exhibés tous les ans des dizaines de blockbusters bruyants, explosifs et tapageurs — ce qui n'est pas forcément synonyme de mauvais film par ailleurs — on aurait tendance à dire que "La Taupe" est un film marginal. L'excessif étant devenu la norme, un tel classicisme est aujourd'hui paradoxalement apparenté à de la nouveauté, à de la créativité, comme si l'on avait oublié qu'il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine c'étaient ces films là les films dits "normaux".
Impeccable dans sa manière si délicate d'infuser dans le film un parfum de désuétude, Alfredson ne cherche jamais à provoquer les effets qui lui vaudraient le label "à l'ancienne", mais attache beaucoup d'importance aux détails, qu'ils soient visuels, et ça tout le monde appréciera, ou narratifs, et là on laisse du monde sur le bord de la route. Très commentée et considérée comme la clé de voûte du film, l'intrigue, aussi complexe soit-elle dans ses entremêlements, reste tout à fait accessible si l'on en reste au squelette narratif, à la structure globale. Dès lors, qu'on fasse l'effort d'un deuxième visionnage pour éclaircir les zones d'ombres — et éventuellement, pour soigner les insomnies causées par ces mystères irrésolus — ou qu'on se contente de ce que l'on aura pu déceler d'un premier visionnage, on appréciera d'abord et surtout Tinker, Tailor, Soldier, Spy pour son élégance et sa sobriété, qui sont pour le coup, les véritables preuves de sa grandeur.