Pas le meilleur du maître, mais un bon thriller
En plein deuil, la jeune et charmante Mary arrive en Ecosse afin de retrouver sa tante et unique parente dans une auberge sordide à la réputation peu reluisante.
A priori, cela sonne comme un bon début pour un film d'Hitchcock et de fait, l'histoire est simple mais bien construite.
Nous suivons donc avec curiosité les pas de Mary dans ce nouveau monde rustre, inquiétant et dangereux.
Mais la jeune irlandaise, malgré ses airs fragiles, est avant tout une femme honnête et prête à se battre pour ce qui compte pour elle. Loin du personnage terne et peu stimulant, elle se rebelle dès que l'ampleur des dégâts s'étale devant ses yeux. Une tante mal mariée mais attachée à son époux, pleine de culpabilité et de crainte. Un repère de vaut rien. Une tentative de meurtre. Mary ne peut tout simplement pas rester et le film démarre donc assez rapidement, prenant un rythme de croisière sympathique.
Trehearne à l'inverse, manque quelque peu de charisme. Si le passage dans la grotte nous laissait entrevoir un personnage espérant sans trop y croire une certaine forme de rédemption (et donc de lutte face à son passé et au monde), il s'avère rapidement être un simple second rôle bon mais sans surprise. Enfin, il fait ce qu'il a à faire, et tout le monde ne peut pas être complexe et passionnant. Quoi qu'il en soit, son rôle reste important dans les affaires du gang de l'auberge et le déroulement de l'action, on ne saurait donc s'en passer. De plus, son interprète est à la hauteur - et il fallait bien glisser la possibilité d'une romance non ?
Mais Mary n'est pas le seul personnage intéressant de ce film. Pengallan malgré ses airs de brute hautaine et cupide, s'avère être plus que cela. Bien entendu, c'est une brute hautaine et cupide, mais pas uniquement.
Hitchcock nous offre ici un personnage plus intéressant qu'il n'y paraît au premier regard.
Un personnage qui a depuis longtemps perdu le contact avec la réalité et dont l'estime de soi va presque au delà de la mégalomanie qui a toujours put caractériser les hommes de pouvoir.
Des hommes meurent ? Les choses se passent mal dans ses petites affaires ? Peu importe, sir Humphrey est un homme qui détient tout le pouvoir, qui peut offrir un toit à une vieille femme aussi surement qu'il peut priver un homme de ses droits. Que pourrait il alors lui arriver ? Il est un prince, roi de son petit univers. D'ailleurs, les gens importent peu pour lui. Non pas qu'il s'en moque, mais ils ne sont que les objets ou les moyens de son plaisir, tout comme peuvent l'être sa statuette et son cheval.
Mary n'a donc pas tort, au fond, de dire qu'il n'est pas responsable car au fond, lorsque ses domestiques se demandent s'il n'est pas fou, ils n'ont pas tout à fait faux. Son train de vie, ses manières sont plus qu'un goût du luxe.
Pour ce qui est de l'histoire en elle même, comme je l'ai dis plus haut, elle s'avère être bien ficelée. Le fait même que la bande ignore qu'il existe un cerveau au dessus de leur chef permet au film plusieurs rebondissements et Hitchcock dose habilement action et explications, laissant tout de même au spectateur l'opportunité de se créer sa propre idée et sa propre réflexion sur la vie et les choix des personnages.
Le seul bémol que je mettrai réellement à ma critique réside dans le vieillissement du film. Malheureusement, même si l'on y trouve des scènes très bien réalisées et de beaux arrêts sur image, la bande n'a pas très bien viellit et certains passages font franchement mal aux yeux (spécialement la première scène, lorsque l'on pénètre pour la première fois dans la maison de Pengallam). Sans compter les scènes de naufrage qui, si elle pouvaient paraître crédibles à l'époque, son réalisés avec les moyens d'un film des années 30-40...
Même si Jamaïca Inn, dont l'histoire est un peu basique, n'est pas le meilleur des films du maître, son rythme et la profondeur de ses personnages en font néanmoins un très bon thriller que j'ai personnellement regardé avec plaisir.