En adaptant la pièce de Shakespeare sous forme d'un long rêve discontinu, Derek Jarman s'affranchit de tout respect de l'œuvre initiale en s'offrant la plus totale liberté. La forme prend alors le dessus sur l'intrigue, les dialogues fortement amputés venant presque troubler la contemplation de l'image.


La grotte du texte initial se voit transformée en demeure fantasque impossible à dessiner. Mi-palais baroque, mi-étable, la demeure de l'exilé Prospero et de sa fille Miranda semble évoluer au gré des humeurs du cinéaste, chaque pièce existant pour elle et ne semblant en rien reliée aux autres. Souvent recouvert de paille, le sol accueille un mobilier disparate dans de nombreux clairs-obscurs accentuant une théâtralité assumée. Les scènes extérieures balayées par le vent et visuellement traitées en monochromes bleus matérialisent la fameuse tempête déclenchée par Prospero pour que ses ennemis viennent échouer sur l'île.


Au cœur d'un récit cependant facile à suivre, la relation amoureuse entre Miranda et Ferdinand contraste par sa pureté avec la noirceur des liens qui unissent les autres personnages. L'arrivée du jeune prince (sortant des flots totalement nu, seule dimension homoérotique du film) ressemble à une apparition et séduit aussitôt la jeune fille. Jarman revendique la thématique du pardon qui selon lui habite la pièce, l'amour des deux jeunes gens poussant probablement le rude Prospero à pardonner à ceux qui l'ont trahi.


Déjà vue dans Jubilee, Toyah Willcox interprète une princesse joueuse et rebelle à la coiffure et aux robes incroyables. Pas en reste, les autres acteurs servent un film grotesque et mélancolique, désinvolte, torturé et libre.

pierreAfeu
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le 21 juin 2017

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