"La vieillesse est un naufrage"
Rome, un soir d'été, sur l'immense terrasse d'un immeuble début de siècle, une belle réception est donnée. Des amis de longue date s'échangent de bons mots, ressassent leurs souvenirs et paradent. Pourtant, plus personne n'est à la fête.
Ce film est une oeuvre centrale du cinéma italien : pas forcément pour sa qualité mais surtout pour son à-propos historique et culturel. D'une certaine manière, c'est une veillée funèbre de la Comédie à l'italienne et par extension, du néoréalisme disparu depuis 20 ans mais encore pleinement incarné par la pléiade d'acteurs présents dans ce film. C'est aussi une métaphore de la vie avec tous ses espoirs, ses réussites et ses échecs dont seul le temps peut tenir une comptabilité exacte. C'est encore une critique des milieux culturels italiens qui cèdent aux sirènes médiatiques de l'américanisation des esprits et qui annonce, sans le savoir, l'avènement imminent de Mediaset, l'empire berlusconien.
Tous les protagonistes présents, gardiens vieillissants d'une esthétique et d'une tradition culturelles, fléchissent et mettent un genou en terre, si ce n'est se mettent sous terre (littéralement). Leurs vies professionnelles qui emplissaient toute leur existence arrivent aux portes de la retraite et de l'oubli, pour céder la place à leurs vies personnelles ou sentimentales délaissées pendant leurs jeunes années. Ces cheveux gris n'apparaissent alors plus que comme des gamins en proie à des tourments bien juvéniles. A contrario, la jeunesse est présentée dans ce film comme arriviste, mutine, résolue et d'une certaine manière... très adulte.
Enfin, la structure du film fait écho au lieu central de l'action : la terrasse. Placée sur les toits romains, cette terrasse est le lieu de réceptions périodiques d'une élite dominant intellectuellement et architecturalement la ville. Cette ascension est à présent terminée et la seule issue possible est par le Ciel... ou par le bas et c'est tout l'intérêt de ces saynètes qui s'intercalent entre chaque buffet sur la terrasse.
Il y a une amertume permanente dans ce film. On retrouve un sentiment similaire dans 'Ginger et Fred' de Fellini où des étoiles pâlies du music-hall essayent de revenir dans la lumière des émissions de Mediaset. L'amertume est aussi rehaussée par l'absence de relève clairement identifiée dans le propos ou dans les acteurs.
Cette terrasse est un hospice : si jeunesse savait, si vieillesse pouvait...