Les dialogues, portent souvent les acteurs avec le vide qui forme une bulle qui se niche sous leur fessier, les faisant ainsi monter de quelques pouces de haut. On parle beaucoup et on dit peu, on structure d'avantage les mises en scènes en espérant que le Chaos en soit moins déstabilisant. On pose des phrases sur des sentiments et des émotions en espérant que le spectateur comprenne mieux la pâle façade qui révèle peu des coulisses d'une âme qui souffre. On accompagne les situations tristes de cordes versant de lourdes larmes pour arracher l'eau des yeux grands fermés de la victime siégeant dans les salles obscures.
Certains films arrivent à se démarquer de ses mécanismes faciles, l'année 2014 nous l'a souvent prouvé, n'allait pas croire que je m'isole dans ma caverne avec nostalgie en regardant les films d'une époque déchue.
Que ce soit la brutalité d'une réalité, ou la poésie d'un univers imaginaires, cela vient porter secours à ce penchant pour la grandiloquence acerbe qui répugne de plus en plus le spectateurs aguerri, le spectateur réceptif.
Cette année fut bercée par des films plus ambitieux où la force des situations et la violence des regards n'a pas besoin de mots et ne nécessite par de notes mélodiques pour crier l'émotion dans le myocarde rocailleux que l'on a. La Terre Ephémère fait définitivement partie de ces films au côtés de beaucoup d'autres qui m'ont ému par leur facilité et par leur crédibilité.

Avant d'attaquer réellement le vif du long métrage, faites attention où vous mettez les pieds j'ai tendance à faire des spoilers de plus en plus importants au rythme que vous avancez dans la critique. Soyez prudents.

Grand Père avec l'aide de sa petite-fille décide de construire une cabane sur un petit ilot situé sur le fleuve séparant la Georgie et l'Abkhazie. Les tensions règnent entre les deux peuples, seule la nature qui bordent les deux camps semble calme par rapport à ce conflit. Au travers de cette facilité, le film ne se refermera pas sur lui même en s'isolant dans la complaisance d'humains en train de s'affronter comme il le font depuis quelques milliers d'année, il ira au contraire plus loin en se penchant plus sur la relation qu'entretient le vieil homme avec son élève, mais aussi le lien qu'entretient le monde naturel avec notre essence et notre manière de vivre.
Les images débutent avec le vieux cherchant un terrain propice à sa future architecture, il décide rapidement de s'installer sur une île. Il y trouve un objet qui marque le passage d'une génération antérieure. Il le gardera avec lui avec beaucoup de respect, le sortant parfois de sa poche en le contemplant silencieusement. Peut-être que lui aussi entretient avec cette ancienne génération une liaison forte.
Dès lors, le chantier commencera discrètement, l'homme sera avec sa petite-fille qui viendra l'aider à monter la structure. L'éloignement entre ces deux esprits reste néanmoins marqué, ils se parlent peu, se regardent peu, mais restent néanmoins réunis dans ce labeur, qui semble les rapprocher progressivement.
La nature est au centre de leur relation, elle possède les droits sur ces lieux, même si les soldats semblent de prime abord dominer les lieux, ils restent esclaves de cette environnement qui possède une force bien plus dantesque que leurs armes. Le cycle des saisons avec la crue rappellent également à notre couple la difficulté à dompter le lieu, la jeune fille commence elle aussi à découvrir son propre corps et ses désirs, le film suggère de manière subtiles cela par des images simples comme la couleur des vêtements teinter de rouge mais également la nudité d'un corps frêle qui plonge dans l'eau. Le film est également le commencement d'un nouvel air, celui de l'adolescence et du monde des adultes. Est-ce l'héritage de l'ancienne génération à la nouvelle ? Au travers des actions du Grand-père faisant échos à l'objet qu'il avait pu trouver au début du long-métrage l'histoire semble bien nous le montrer.

Outre cette relation, la guerre reste omniprésente tout au long du film. C'est une menace militaire, mais aussi une privation de la liberté de nos deux protagoniste. Les hommes en costume carnavalesque de l'armée voyant au travers de la jeune femme que de la chair fraiche qui permettrait d'assouvir leurs pulsions animales. Ils la zieutent avec des jumelles, lui demandant de les rejoindre tels des gorilles appelant la femelle en poussant des cries d'excitation. Ouaf. Cette privation de liberté atteindra son apogée avec la fouille de leur cabane par un militaire recherchant un ennemi qui pourrait se cacher dans les environs de la maison. L'oppression se lira dans les visage du vieillard et de la fille. Forcé de manière passive à le donner de la boisson et de les accueillir, le vieux souffre et perd sa dignité. Là où le film aurait pu tomber dans la facilité d'un monde bipolaire entre le bien affrontant victorieusement le mal, le film nous montre la simple humanité que dégage le couple d'habitants de l'îlots. Leur humanité se traduira par leurs actions de bienveillance comme l'hospice qu'ils feront à un soldat blessé qui se réfugiera chez eux mais aussi par les plaisirs de l'instant présent que l'on ne prend plus souvent le temps de cueillir.

Ce paradis éphémère sera vite rattrapé par le cycle des saisons et des fortes pluies. L'inondation viendra ensevelir les lieux, victimes de la nature qui peut reprendre ses droits à tout instant les deux compères devront s'en aller pour survivre. Le vieux semble pris de désespoir face à la situation, disant pendant le film qu'il priera pour sa petite fille, il restera sur l'îlots agrippé aux fondations de sa cabane. Le film nous livrera tout de même un message optimiste sur l'avenir. Bien que le monde soit en guerre et que leur œuvre personnelle soit saccagé par la nature qui se venge de la bêtise humaine, la fille portera avec elle l'espoir d'un monde meilleur. Néanmoins on garde une saveur amer en bouche, d'un côté on garde l'espoir d'un lendemain ensoleillé, et de l'autre on ne peut que constater que le chaos règne et règnera encore. On ne peut qu'espérer que celui-ci aboutira vers un état de stabilité qui ramènera la paix dans cet espace malade.
ectorlavoisier
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le 26 janv. 2015

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Guillaume L

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