Critique musical dans le même quotidien depuis quelques décennies, Georg se voit signifier son licenciement par un jeune cadre de la rédaction. Il ne comprends pas cette décision... et à la menace "Mes lecteurs protesteront" on lui répond "Ils sont tous morts". Le ton est donné pour cette satire sociale des plus grinçantes mais finalement si peu éloignée du contexte actuel du monde du travail.
Georg comme ses congénères de misère, Hervé ("Vent du Nord"), Thierry ("La loi du marché"), Bruno ("Le couperet"), Michel ("Une époque formidable"), Daniel ("Moi Daniel Blake"), Aurore ("Aurore")... d'un âge avancé est déstabilisé. Mais il ne réagira comme aucun d'eux. Il n'est ni optimiste, ni fataliste, ni opiniâtre, ni sociable, ni courageux, ni vindicatif ! Georg, est George. Imbu de son statut il veut récupérer son job, de toute façon "il ne sait faire que çà" et personne ne sera jamais à sa hauteur. Triste sire direz-vous... C'est d'ailleurs peut-être pour cela que la critique a fait à la sortie du film un parallèle avec la personnalité de Christian dans "The Square" à la différence que George est semble t-il définitivement passé du côté des has been...
Le moins que l'on puisse dire c'est que Josef Hader utilise la pellicule comme une véritable machette, élaguant peu à peu tout le prestige de Georg, tailladant profondément au delà de l'écorce jusqu'aux sèves de l'âme. Il fait d'abord de Georg l'instrument de son mépris en fier représentant d'une élite en manque total d'empathie, puis de manière schizophrénique le défend, et le met à nu. Entre temps, les messages sont assimilés ; cette société, où le jeunisme prévaut, comme ici pour le journal où le contenant importe plus que le contenu, où les relations avec autrui sont confuses (le désir amoureux), les rapports de force complexifiés et souvent troubles, s'appauvrit culturellement et surtout humainement. Rien de bien nouveau, soit, mais le réalisateur a sa manière bien particulière pour orchestrer tout cela.
Quatre atouts majeurs : la mise en scène, le scénario, les acteurs et l'humour. Il n'y a pas à dire certains plans sont uniques par leur originalité ou leur beauté. Que ce soit un Georg observant la ville la nuit assis tout en haut d'une montagne russe, la perspective d'une voiture qui semble percer le paysage d'une forêt dense de conifères, une course poursuite cocasse dans la neige ou encore une balade en petit train touristique, ce sont de bons moments de cinéma. Le récit par lui-même qui se fait juxtaposer les histoires et les individus est savoureux et s'amuse des hasards du destin.
Et pour s'amuser, on s'amuse ! D'abord, mais jamais méchamment, du pauvre Georg, de son comportement et du fait qu'il soit confronté par son comportement à tellement de situations particulières et cocasses. Beaucoup d'humour également dans les dialogues, portés par des acteurs au top. A commencer par le réalisateur lui-même qui campe un Georg plus vrai que nature avec sa dégaine appesantie, ses doutes, ses lâchetés. Il est entouré de Pia Hierzegger en psy déphasée et épouse qui l'est tout autant, mais aussi Denis Moschitto, Georg Friedrich, Jörg Hartmann tous impayables dans leurs travers, tous attachants par leur solitude.
Cette tranche de vie est impayable et franchement agréable à regarder, comme le rappelle le titre orignal, la souricière n'est jamais celle à laquelle on pense, surtout quand la souris est aussi sauvage que Georg ! Un film autrichien, qui pour une fois ne vous comprime pas le cerveau par sa noirceur, à voir donc !