Ah ! Ce jeune délinquant patenté. Ah ! Cette douce juge, empathique et navrée. Ah ! Cet éducateur dévoué. Ah ! Cette amoureuse obstinée... Et cette mère qui perd le large sans cesser de boire la tasse. Touchant portait de famille (vraiment). Bref, une belle brochette de personnage dont certain sont très justement interprétés, notamment Rod Paradot (Malony) qui est très convainquant. Nous est raconté l'histoire de Malony, un garçon difficile qui oscille entre les crises de colère qui le rendent incontrôlable et l'amertume post-apocalypse qu'il ressent contre lui-même et les autres. Soyons honnête, j'ai trouvé le film assez ennuyant. Mais si cela ne signifie pas qu'il est mauvais, il traine sur des longueurs de scène et propose au spectateur un scénario assez prévisible. Malony va aller, bon grès mal grès, et bénéficier de la part de l'ensemble des personnages d'une bienveillance touchante mais irréelle.
Si le film à d'indéniables qualités (le jeu d'acteur surtout), il est surprenant qu'un film qui souhaite aborder une thématique sociale fasse le choix de placer la focale aussi proche des émotions du personnage principal et de faire des autres des fonctions archétypales assez grossières. L'éducateur se substitue au père, la juge à une figure maternelle secondaire (comme une grand-mère), la petite-copine fourni le deus-ex rédempteur permettant un happy-end ouvert. C'est huilé comme scénar, mais pas vraiment ambitieux ni vraiment utile pour se questionner sur la situation du jeune homme. Car, pour donner de l'intérêt à présenter une situation sociale, il faut montrer l’environnement et la causalité formatrice.
D'où un sentiment mitigé car ce n'est pas un film sur la difficulté d'éduquer un jeune ado "ingérable" ou sur le réel des tribunaux pour enfants, ou même sur les raisons de leurs inefficience. Il confine plutôt au drame assez classique, détaché de la réalité et pour cause : il ne la montre pas. Ce n'est pas gênant en soi (à moins d'attendre de la grosse critique sociale), mais cela peut donner une impression de lourdeur au récit pour le spectateur qui ne serait pas porté sur le pathos situationnel. C'est ce qui en fait un film moyen : suffisamment bien réalisé et interprété pour être agréable mais à aucun moment pour toucher la grâce et donner au spectateur un discours discernable. Pourquoi Malony est-il instable et en colère ? Pourquoi est-il un délinquant plutôt qu'une petite frappe ? Où habite-il (on ne voit pas Dunkerque !) ? Comment grandit-il ? Qui sont ses amis ? On ne sait pas. Rien du background du personnage principal (ni des autre d'ailleurs) n'est montré à la caméra. Tout est suggéré dans des dialogues. C'est un personnage atomisé sans passé ni contexte. Pourtant, il y a un certain nombre de plan probablement dispensables, notamment les longs plans séquences qui reviennent souvent avec le magnifique Piano Trio de Schubert dans les couloirs du palais de justice. Schubert est un choix musical élégant et esthétique, mais qui ne dit pas grand chose s'il s'agit simplement de montrer des couloirs. Pourquoi ne pas montrer la cité, l'école, la misère etc. ?
Au final, le film manque de sens. C'est un joli film sentimental qui montre de la colère et des affects sans citer leurs causes. Un plan rapproché sur une tranche de vie inexplicable. Et l’œil du cinéaste, fasciné par ce personnage bouquet de nerf, ne se contente du talent de ses acteurs. Dommage.