Par ses grandes qualités consensuelles, on peut comprendre pourquoi « La tête haute » a été retenu en ouverture du Festival de Cannes, et tout à la fois pourquoi il se trouve hors compétition. Commençons par les points positifs et tout d’abord celle belle détermination d’Emmanuelle Bercot à maintenir son film (long, très long) sur un mode dynamique de bout en bout. Approche bien documentée, dialogues ciblés, ambiances réalistes, c’est principalement le jeu des acteurs qui emporte notre adhésion, exception faite peut-être de Sara Forestier en Zézette du 21ème siècle. Deneuve (après « Elle s’en va » de la même réalisatrice), elle, y est une nouvelle fois bluffante en juge pour enfants à un point tel qu’elle tient tête à l’incroyable performance de Rod Paradot, le nouveau jeune chien fou du cinéma français dont la performance dépasse le simple rôle du petit délinquant. Benoît Magimel quant à lui, en éduc spé, affiche un jeu mature, épuré et confirme son immense talent. Certaines scènes sont purement et simplement stupéfiantes de maitrise, à l’authenticité avérée, à l’émotion brute. Il en va ainsi des confrontations difficiles au tribunal, des échanges entre professionnels, du désarroi des deux côtés de la balance, du lien familial. Cela se situe principalement dans la première partie, quasiment exemplaire tant au niveau du fond que de la forme. Cela est moins probant quand s’amorce la conclusion quelque peu fumeuse, la dernière partie toute angélique qu’elle soit n’arrive pas à convaincre sauf sur le plan séquence final qui est lui particulièrement émouvant. Emmanuelle Bercot, se pose ici en antithèse d’un Kechiche. Dans « La tête haute » la compassion vient du système judiciaire, à l’inverse du réalisateur de « L’esquive » qui penche plutôt pour l’inverse. Une mise dos à dos caricaturale (je le concède), mais probante. D’un côté comme de l’autre, il faudrait un juste milieu, celui de la dualité sous forme de complémentarité. Dans les années 80, la critique nettement moins politiquement correcte et ingénue qu’aujourd’hui, avait de ces formules lapidaires qui pouvaient faire sourire, qualifiant un film à caractère social, de gauche ou de droite. « La tête haute » se rangerait aisément dans la seconde catégorie. Toutefois, cette qualification n’entrave en rien la qualité de l’œuvre qui si elle est un peu véhiculée, reste profondément bienfaisante et appréciable.