La Tisseuse par Le_blog_de_Yuko
A pas feutrés, Wang Quan’an nous entraîne dans l’univers intimiste de Lily, cette jeune mère qui, avec pudeur et dignité, fait face à une terrible maladie.
Loin du mélodrame social, le film nous invite au contraire à suivre, avec poésie, une chronique humaine tissée avec douceur et simplicité...
Le film débute dans un brouhaha assourdissant - le bruit des machines travaillant le tissus se mélange aux cris de Lily qui se dispute avec son chef de service. Celui-ci vient en effet de baisser son salaire parce qu’elle a mangé à son poste...
Le ton, réaliste et humain est donné. Sur fond de misère sociale, Wang Quan’an décrit avec minutie la vie de ces femmes, leurs conditions de vie ouvrière, la précarité de leur situation et l’état de faiblesse du salarié face à l’ère de l’industrie...
Véritable trame sociale de son histoire, le réalisateur prend cependant le parti de s’en détacher rapidement pour se concentrer, avec humilité et tendresse, sur le visage angélique de Lily...
Celle-ci, figure emblématique de la Chine moderne, interprétée par la sublime Yu Nan, comédienne fétiche du réalisateur (Le mariage de Tuya - Ours d'or au festival de Berlin 2006), décide en effet de tisser elle-même les derniers instants de sa vie...
Indifférente au monde qui l’entoure, appartenant comme les anges à une autre réalité, elle incarne avec justesse et pudeur, tous les âges de la femme - à la fois mère, épouse et amoureuse - pour nous offrir, au-delà de la condition féminine chinoise, par des regards et des silences posés, un portrait universel de Lily devenue ange parmi les hommes...
A l’image des films de Ken Loach, Wang Quan’an recrée ici une atmosphère fondamentalement humaine où s’épanouissent les regards et les silences... Une seule mélodie viendra troubler le calme froid des jours d’hiver... celle d’un accordéon, complainte déchirante, qui donne au film une réelle profondeur et une douce mélancolie...
Une oeuvre profondément humaine et pure, à la lisière du monde réel, où s’épanouit en secret, la recherche de la simplicité la plus pure... poétique et magnifique...
PRIX : Le film a remporté le prix FIPRESCI de la Critique Internationale et le Grand Prix Spécial du Jury au Festival des Films du Monde de Montréal en 2009.